Propositions pour une VI° République démocratique, sociale et écologique


François LALANDE

Vers la démocratie

Besoins fondamentaux

Le minimum vital de chaque être humain

Lorsqu’on voyage dans des pays pauvres, non pas en touriste mais avec une ONG humanitaire et que l’on rend visite aux plus déshérités, on prend vite conscience de ce que sont les besoins fondamentaux de tout être humain. Si ces besoins ne sont pas satisfaits, les principes de la démocratie et leurs corollaires les droits fondamentaux ne peuvent être assurés.

Sur le plan physique, c’est pouvoir boire de l’eau potable, disposer d’une nourriture simple, équilibrée, suffisante pour avoir toute sa force physique,  avoir un logement qui mette à l’abri de la pluie, du soleil ou du froid, avoir accès aux soins de santé élémentaires, recevoir des préservatifs pour lutter contre le sida et contre la surpopulation.

Sur le plan intellectuel, c’est apprendre à lire, à compter, si possible à écrire ; la transmission de la culture locale, mais aussi l’accès à un poste de téléphone, de télévision et à Internet ; recevoir une formation à l’agriculture, à l’artisanat, aux échanges ou au commerce.

Sur le plan moral, c’est la reconnaissance de la dignité de la personne, la liberté de circuler dans son propre pays, la liberté de s’exprimer, la participation aux décisions concernant la vie locale et à un suffrage universel national sans tricheries.

Sur le plan affectif, c’est une vie proche de sa famille, dans son village, son quartier ou son entreprise, en bénéficiant d’un environnement amical, pacifié, solidaire.

Les enquêtes de population montrent que ce n’est pas l’accroissement indéfini de la richesse matérielle qui apporte le bonheur, une meilleure qualité de vie, mais la satisfaction de ces besoins fondamentaux. On est bien loin de notre niveau de vie matériel à l’occidentale.

Lorsqu’on fréquente les populations de ces pays pauvres, on ressent l’immensité des gaspillages qu’entraîne notre mode de vie. Nous considérons, par habitude, que nos besoins fondamentaux sont plus élevés, au-delà de ce qui est indispensable, mais il n’en reste pas moins que nous pourrions avoir une vie satisfaisante sur le plan physique et meilleure sur les plans intellectuel, moral et social, en diminuant considérablement nos consommations de biens matériels qui ne sont pas indispensables.

Les surplus inutiles et les gaspillages des plus riches permettraient d’assurer à chaque être humain sur terre la satisfaction de ses besoins fondamentaux et, ce qui est aussi important, d’économiser les ressources planétaires non renouvelables.

Voir : Décroissance matérielle. Droits fondamentaux. Égalité de droits. Gaspillages.

Compétition ou solidarité

Cro-Magnon ou modernité

La compétition est une survivance de l’époque préhistorique et de millénaires de guerres pour la conquête des territoires, de la nourriture, des richesses des autres et des femmes. Pendant des millénaires la loi a été celle des plus forts, d’autant que la supériorité de ceux-ci aidait à la défense du groupe contre les ennemis extérieurs ou la dureté de la vie sauvage.

Le spectacle de la compétition enthousiasme souvent les faibles. Ils sont conscients de leurs faiblesses et rêvent, en se projetant à la place du plus fort, d’être eux-mêmes celui qui obtient célébrité et richesse.

Mais dans tous les domaines la compétition éloigne de la solidarité démocratique, elle place le groupe à un moindre niveau de démocratie. Le meilleur, le plus fort, le plus rapide, le plus connu, le plus riche dévalorise la démocratie. La solidarité suppose le respect mutuel et de reconnaître, comme disait Pascal, que la justice est le droit des faibles.

Enfin compétition rime avec tricheries, trafics d’argent, drogues, mépris des plus faibles. On le voit particulièrement en sport, où le moindre cycliste, joueur de foot, joueur de tennis ou autres se dope et finit par se droguer à des degrés divers s’il veut entrer dans les sélections régionales, puis nationales. Cela se constate aussi dans les domaines culturels ou artistiques et, de plus en plus, dans les entreprises.

Dans l’enseignement, on pourrait se contenter, comme le font certains pays avancés, de classer les travaux en Très bon, Bon, Moyen, Insuffisant et Mauvais. Et il serait demandé aux élèves classés Très bons ou Bons d’apporter leur aide à ceux qui sont Insuffisants ou Mauvais. Dès le plus jeune âge, c’est le travail d’équipe, le savoir donner et le savoir travailler ensemble qui ont besoin d’être valorisés.

En sport, plutôt que de voir des individus arriver épuisés ou prendre des risques excessifs pour leur santé, la meilleure équipe pourrait être non pas celle qui a été la plus rapide, mais celle qui a le mieux rempli un contrat d’objectif, pour lequel les forts auraient le mieux aidé les faibles.

Un festival de cinéma devrait avoir pour rôle de faire connaître non pas les productions les plus populaires et les plus rentables, mais celles qui sont intéressantes sur les plans culturels, sociaux, politiques ; d’apporter une aide à des auteurs nouveaux de valeur. C’est d’ailleurs ce que font de plus en plus et de mieux en mieux les jurys de certains festivals.

Dans une famille, dans un quartier, dans un village chacun constate que la solidarité est plus enrichissante que la suprématie d’un seul ou de quelques-uns. À une échelle plus large, bassin de vie, région, nation, Europe, la démocratie politique demande qu’une solidarité soit établie entre les citoyens. Les institutions publiques démocratiques doivent avoir un rôle de répartiteur à côté de leur rôle de régulateur.

Voir : École primaire. Enseignement. Grandes écoles et syndrome de l’ingénieur. Immigration. Sport, exercice ou spectacle commercial.

Expériences sociales et culturelles

Elles doivent être généralisables

Les responsables politiques français de droite et de gauche aiment bien les expériences sociales et culturelles.

À Grenoble, dans les années 1970, une expérience de télévision de quartier avait été lancée sur la quartier de la Villeneuve : studio, réseau câblé, personnel d’animation et technique permanent. Le tout avec financements croisés de la Ville, mais surtout de l’État.

L’intérêt pour les familles, pour les élèves des écoles et collèges, pour l’espace culturel de quartier, pour le traitement des problèmes collectifs a été indéniable. On a beaucoup parlé de cette expérience, on l’a montrée comme un exemple de la modernité de la France. Mais… l’engagement financier de l’État n’était que pour trois ans. Il s’agissait d’une « expérience ». Au bout de trois ans et un peu plus, tout s’est arrêté.

Autre exemple. Il est important d’aider les jeunes des banlieues défavorisées à sortir de leur quartier, d’inciter ceux qui le peuvent à faire des études. Plusieurs grandes écoles ont décidé de faciliter l’entrée en leur sein de jeunes de ces quartiers. Mais cela ne concerne finalement que quelques centaines de jeunes sur les centaines de milliers qui vivent dans ces quartiers. Or, on cite ces expériences comme une grande réussite, comme si c’était une solution aux problèmes de formation et de chômage des jeunes défavorisés. Cela améliore un peu l’image que les jeunes de ces quartiers ont d’eux-mêmes, mais ce n’est pas généralisable ; il s’agit en fait d’une expérience élitiste et non démocratique.

Par contre on peut aussi classer parmi les expériences démocratiques tout ce qui est fait par les citoyens de base au travers des associations qui constituent des réseaux de solidarité, des réseaux économiques, des réseaux d’échanges par la création de filières courtes producteurs-consommateurs en agriculture, en artisanat, en réseaux d’entre aide, tout ce qui constitue l’économie sociale et solidaire.

Depuis la nuit des temps il y a eu des personnes généreuses, des personnes courageuses qui ont essayé d’aider les autres, mais cela ne change rien fondamentalement si les pouvoirs publics ne prennent pas des mesures qui généralisent ces actions. De tout temps il y a eu des cœurs charitables pour aider quelques pauvres, quelques malades et quelques retraités sans ressources. Mais la grande masse des plus pauvres, des plus démunis n’a réellement été sortie de sa misère que lorsque le législateur a créé la limitation du temps de travail, le droit du travail, la sécurité sociale pour tous, le salaire minimum, le revenu de solidarité active, le minimum vieillesse, les logements sociaux, etc.

 Mon propos n’est pas de dire qu’il ne faut pas mener d’expériences dans les domaines de l’entreprise, du social et du culturel. Au contraire, on a besoin d’expérimenter de nouvelles voies avant de les développer. Mais des expériences ne devraient être retenues que si l’on sait qu’on aura les moyens de les appliquer à l’ensemble des populations concernées.

Une expérience n’est valable que si elle est généralisable. Si non, elle sert bien souvent d’alibi, de poudre aux yeux, elle favorise le maintien du statu quo et du conservatisme.

Voir : Centres de santé locaux. Coopératives de production. Économie sociale et solidaire. Petits pas.

Femmes et démocratie

Des citoyennes à part entière

Simone de Beauvoir a écrit : « On ne naît pas femme, on le devient ». La formule a fait mouche, mais elle laisse croire que hommes et femmes seraient indifférenciés à la naissance. Il est vrai que la femme comme l’homme est en partie façonnée par les modèles sociaux qui l’entourent, mais en partie seulement et les hommes ont du mal à comprendre que les femmes sont fondamentalement différentes d’eux. Coluche avait raison lorsqu’il disait comme une découverte de sa part : « Les femmes, c’est vraiment pas des mecs comme nous ».

Dès la petite enfance, il suffit de regarder, lorsqu’ils sont laissés en liberté, les différences de comportements de petits garçons et de petites filles élevés de la même façon. Il y a quelques garçons filles et quelques filles garçons, mais dans leur immense majorité, les petits garçons tapent, lancent des objets, se bousculent, imitent leur père, tandis que les petites filles papotent, se rassemblent, jouent à des jeux plus calmes et imitent la maman ou la maîtresse.

Les femmes sont différentes des hommes, mais elles ont les mêmes droits : droit à l’autonomie, donc droit à la formation et au travail, droit aux mêmes salaires, droit à diriger services, entreprises ou collectivités. Parce que ce sont elles qui portent les enfants avant la naissance et se consacrent entièrement à eux pendant la petite enfance, pour les libérer en partie et leur permettre de conserver une vie professionnelle, il y a besoin de crèches, de haltes-garderies et les hommes doivent travailler moins d’heures chaque jour pour partager les travaux domestiques et la garde des enfants.

Si les femmes sont si peu nombreuses à briguer des postes politiques, c’est en grande partie parce qu’elles sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à vouloir militer. Le réservoir de candidates est faible. Il est certain que les hommes cherchent à conserver les premières places, mais combien ai-je vu de préparations d’élections où les partis politiques s’évertuaient en vain à trouver des candidates, sachant que cela leur apporterait des voix. La politique est un combat, souvent pénible ; la femme est moins agressive que l’homme. Elle est plus lucide aussi sur l’irréalité ou la vanité des postes de pouvoir et plus désireuse de mener une vie équilibrée.

On cherche progressivement à imposer la parité dans les élections politiques, il serait souhaitable de l’appliquer bien au-delà. Chaque assemblée qu’elle soit politique, syndicale, associative, chaque organe exécutif, gouvernement, municipalité composée du Maire et des Adjoints, chaque bureau d’association devrait comprendre à égalité des femmes et des hommes. Les femmes ont en général une vision plus pragmatique des affaires, plus pacifique et moins compétitive que celle des hommes.

Lors d’une élection politique on respecte déjà des critères géographiques en découpant le territoire en circonscriptions et on est de plus en plus d’accord pour imposer la parité. Grâce à la loi sur la parité le pourcentage de femmes élues députées à l’Assemblée nationale est passé de 12 % en 2002 à 27 % en 2012 et 39 % en 2017. On est encore loin des 50 % correspondant à la parité.

Le principe de parité hommes-femmes aboutit à développer la notion de représentation proportionnelle au-delà de la représentation des différents partis politiques. Pourquoi ne pas ajouter d’autres critères en plus de la géographie et du sexe, des critères d’âge (1/3 d’une assemblée réservée aux 20-40 ans, 1/3 aux 40-60 ans, 1/3 aux plus de 60 ans, par exemple) et des critères socioprofessionnels (professions libérales, fonctionnaires, salariés du privé, cadres, employés-ouvriers, etc.) ? Il n’est pas normal que l’Assemblée nationale ait, comme actuellement, une aussi faible proportion de femmes et une aussi forte proportion d’enseignants ou d’avocats.

Il ne s’agit pas de ne laisser émerger que des femmes bagarreuses et avides de pouvoir dans des instances presque uniquement composées d’hommes, mais de leur donner une place égale à celle des hommes. Il en résulterait certainement plus de compromis, moins d’intolérance et moins de combats de toutes sortes.

Voir : Droits fondamentaux. Emploi et chômage. Pragmatisme et idéologies. Tolérance.

Recherche scientifique et démocratie

Quelles conséquences pour l’humanité ?

À Grenoble, j’ai connu bien des chercheurs. Il y a celui qui fait de la recherche fondamentale. Il a obtenu son statut de chercheur grâce à ses diplômes et à ses publications précédentes. On le laisse pratiquement faire ce qu’il veut. S’il trouve un poste plus intéressant ailleurs, il part et le laboratoire qu’il a construit à force de demandes de crédits reste bien souvent sous utilisé ou inutilisé.

Il y a aussi la recherche dirigée, pour laquelle des comités réunissant de brillants chercheurs décident des orientations de la recherche. Les chercheurs obtiennent des crédits à condition de poursuivre des recherches qui soient dans le vent. Ajoutons enfin la recherche-développement qui devrait aboutir à des progrès pour l’humanité.

En matière de recherche, on doit constater qu’il n’y a pas de débat démocratique, ni au sein de la population, ni au sein du Parlement. Celui-ci débat de montants de crédits, mais il ne débat pas des objectifs et des limites de la recherche. C’est laissé à des comités d’experts, donc à des débats internes à la corporation. Or la population est directement concernée par les retombées de la recherche scientifique et technique, par ses effets positifs, mais aussi par ses conséquences négatives.

C’est ainsi que l’amiante a paru constituer un progrès technique pendant tout le 20e siècle, alors que dès 1906 sa dangerosité était démontrée. Les OGM présentent des risques environnementaux que l’on connaît mal et des dangers économiques et sociaux graves, puisqu’ils permettent à de grandes firmes internationales de faire des bénéfices en affamant directement ou indirectement des populations entières. Quant aux nanotechnologies, on imagine bien, sans être savant, que l’on prend des risques imprévisibles à développer des particules qui peuvent s’insérer dans les tissus des êtres vivants, sans avoir suffisamment étudié les effets qu’elles peuvent produire sur ces tissus.

De grands débats démocratiques sur les politiques et les pratiques scientifiques, des débats publics au sein de Commissions parlementaires et au Parlement, et suivis si nécessaire de référendums, permettraient de modérer les ardeurs des chercheurs apprentis sorciers et celles des grandes firmes internationales. Les premiers sont plus attachés à la fierté de leurs découvertes qu’ils qualifient trop automatiquement de progrès et les secondes à accumuler des bénéfices. Les deux se soucient peu des conséquences qui en résultent pour l’humanité.

Il paraît assez probable que le genre humain a mieux à attendre de la recherche appliquée, de la mise en application de la masse de sciences et des techniques déjà connues, que de se lancer sans débat public sur leur utilité sociale dans des aventures mal maîtrisées comme les OGM, les nanotechnologies ou les exploits spatiaux.

La grande majorité des chercheurs prétend qu’on ne peut pas démocratiser la recherche. Pourtant, qu’il s’agisse des règles d’éthique à respecter, de l’impact des découvertes et innovations sur l’humanité et sur l’état de la planète, de l’importance et de la répartition des financements publics, du contrôle des aventures du privé, il revient aux citoyens d’en décider au sein d’instances démocratiques.

Voir : Commissions indépendantes. Croissance. Démocratie participative. Progrès.

Médecine et services publics

Un système hybride trop coûteux

Le droit à la santé, à une nourriture suffisante et aux soins, est l’un des fondements de la démocratie.

Or  les  institutions  de  santé  françaises  présentent  de  graves défauts : manque dramatique de moyens des hôpitaux, médecine libérale dispendieuse et mal répartie sur le territoire rejetant sur l’hôpital public les cas les plus difficiles et les plus coûteux, consommation excessive d’actes médicaux et de médicaments, d’où des déficits considérables de la Sécurité sociale et surtout pas de politique sérieuse de prévention.

En Suède, où la médecine est un service public, la longévité est plus grande qu’en France, l’état sanitaire de la population y est meilleur, or les dépenses annuelles de santé par habitant sont moins élevées qu’en France et les dépenses de médicaments sont moitié moindres. Pour l’ensemble de la population française cela représenterait près de 20 milliards d’Euros par an d’économies.

Inversement, aux États-Unis, où le système de santé est principalement privé et où plus de 31 millions d’habitants n’avaient pas d’assurance santé jusqu’à très récemment, cette médecine privée est extrêmement chère pour ceux qui peuvent y accéder. Et finalement, alors qu’une grande part de la population est mal ou pas soignée, ce système privé revient beaucoup plus cher par tête d’habitant que le système français.

En Suède, les médecins sont salariés et directement payés par les autorités publiques régionales. Si vous vous sentez souffrant, vous pouvez vous rendre dans l’un des 3 ou 4 centres de santé proche de votre domicile. Là une infirmière vous accueille, puis un médecin vous examine. S’il le juge nécessaire, il vous envoie consulter un spécialiste ou vous fait hospitaliser.

Le malade ne paye rien au médecin, mais il s’acquitte d’une franchise auprès du système de sécurité sociale. Cette franchise est dégressive si vous avez une longue maladie, elle est gratuite si vous avez une maladie chronique ou si vos revenus sont trop faibles.

Sous l’angle de la démocratie un tel système est beaucoup plus égalitaire et beaucoup moins coûteux pour les assurances publiques ou privées et pour les collectivités publiques, que celui de la médecine privée dans lequel le médecin fixe le montant de ses honoraires et peut prescrire des médicaments et des examens sans contrôle.

Notre système français présente plusieurs faiblesses du point de vue de la démocratie :

- la Commission parlementaire de 30 députés chargée d’examiner en 2009 le projet de loi « Hôpital, santé, territoire » ne comprenait que des médecins. On sait pourtant qu’en politique, « il ne faut pas de marin à la marine », vieil adage maintes fois vérifié.

- le choix des patrons et professeurs de médecine a sans doute plus d’importance pour la vie des citoyens que le choix des parlementaires. Ce choix ne peut se faire par élection, il se fait principalement par cooptation entre médecins. Un jury mixte comprenant des médecins bien sûr, mais aussi des gérants hospitaliers, des élus politiques et des représentants de caisses d’assurances et d’associations d’usagers serait certainement préférable.

Les médecins libéraux et les patients français sont plutôt satisfaits du système libéral français de libre choix du médecin et des traitements, entièrement rémunérés et payés sur des fonds publics ou semi-publics, alors que notre système est plus coûteux et moins efficace que le système suédois. Paradoxalement, les médecins et les patients suédois, qui bénéficient d’un système fonctionnarisé bien supérieur en résultats et plus économique en coûts, sont plutôt insatisfaits de leur système.

Ne  désespérons  pas.  Si  de  grandes  campagnes  d’information étaient menées à partir des travaux d’évaluation de Commissions indépendantes, les usagers français et suédois changeraient certainement d’avis.

Voir : Centres de santé locaux. Services publics.

Centres  de santé locaux

Proximité et économie de moyens

La démocratie médicale commence par un accès égal de tous aux soins. Dans les années 1970, il n’y avait à Grenoble pas un seul médecin libéral installé dans la moitié sud de la ville construite après la guerre dans les années 50 et 60 ; tous étaient concentrés dans les quartiers anciens et dans le centre-ville bourgeois. Un centre de santé pluridisciplinaire a été créé avec l’appui de la Municipalité de l’époque dans le quartier de la Villeneuve. Depuis, près de 1.500 centres de santé ont été créés en France.

Ce centre de santé comprenait plusieurs médecins généralistes, plusieurs spécialistes, un cabinet de radiologie et un laboratoire d’analyses médicales. Tous les personnels, y compris les médecins,  étaient salariés.

Devant les cas difficiles, les médecins prenaient le temps de se concerter, d’où une moindre hospitalisation. Les dossiers des patients étaient conservés sur place, ce qui évitait de recommencer les mêmes examens pour une population qui avait tendance à trop souvent changer de médecin. Des campagnes d’information, par affichage dans les montées d’immeubles par exemple, avaient lieu en cas d’épidémies de maladies hivernales ou de maladies infantiles, d’où des recours moins rapides et moins fréquents aux médecins.

Des enquêtes prouvaient que cette médecine de groupe plus lente aboutissait à moins d’actes médicaux, moins d’examens de laboratoire, moins d’hospitalisations et faisait donc faire des économies importantes à la Sécurité sociale. Mais, parce qu’en France tous les paiements et remboursements se faisaient à l’acte, le Centre de santé connaissait des déficits chroniques. La Ville, la CAF, la Sécurité sociale, des mutuelles, compensaient comme elles le pouvaient les manques à gagner en subventionnant les campagnes de prévention ou les équipements.

Il aurait fallu que les modes de financement et de remboursement de la Sécurité sociale sortent du système de paiement à l’acte de la médecine libérale. Ce centre de santé, avec tous ceux qui se sont créés depuis, préfigurait ce à quoi on aboutira lorsqu’on admettra  enfin  que  les  médecins,  les  laboratoires,  les  cabinets de radiologie, les dentistes et tout le corps médical sont financés sur des fonds publics, sauf la faible part qui reste à la charge des patients.

Sous forme d’un équipement moins important, les dispensaires de quartier participent de la même démarche : proximité, accueil, tri, premiers soins, prévention. L’exemple suédois, cité au chapitre précédent, Médecine et services publics, est particulièrement intéressant. Tout ceci peut s’organiser aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain.

Voir : Médecine et services publics. Prévention en matière de santé.

Prévention en matière  de santé

La première source d’économies

Une enquête récente aux États-Unis montrait que 80 % des problèmes de santé, des maladies, provenaient de la suralimentation et de la trop grande consommation de sucres raffinés, de graisses animales, de sel, d’alcool et de tabac, du manque d’exercice physique. En France, on pourrait peut-être ajouter à cette liste la trop grande consommation de médicaments.

Tout cela montre qu’en matière de santé individuelle et donc de santé publique et de réduction du déficit de la Sécurité sociale, les premières actions à entreprendre concernent la prévention. Les campagnes « mangerbouger.fr » sont une bonne chose, mais sont encore limitées, très insuffisantes et trop discrètes. En France, 7 % seulement des dépenses de santé sont consacrées à la prévention.

Un budget conséquent consacré à l’information et à l’éducation sur l’hygiène alimentaire, l’hygiène physique, le traitement des maladies les plus courantes et un usage modéré des médicaments rapporterait  1000 fois les sommes dépensées à cette fin.

La création de centres de santé de quartiers, une réforme de la médecine s’inspirant du modèle suédois, la mise en place d’une politique sérieuse de prévention permettraient de résoudre le problème du déficit sans fin de l’assurance-maladie.

Voir : Centres de santé locaux. Médecine et services publics.

Exercice, sport ou spectacle commercial

Un esprit sain dans un corps sain

Le sport spectacle de haute compétition est devenu une composante importante du sentiment national, de la fierté et du moral d’une nation. On lui attribue la vertu démocratique de la quasi égalité et de la fraternité des spectateurs dans les stades. Mais est-ce encore du sport ?

L’exercice physique est indispensable à l’être humain. Exercice et diététique sont les fondements d’une bonne santé, d’une consommation médicale et d’une consommation de la planète réduites au minimum.

Mais en cette matière, distinguons trois niveaux extrêmement différents :

- l’exercice qui consiste à bouger, à respirer, et à fortifier ses muscles. Les médecins hygiénistes - ceux qui s’attachent au maintien en bonne santé et pas seulement à réparer des corps malades - recommandent de marcher activement 40 minutes par jour ou de faire 30 à 40 minutes de vélo d’appartement ou de piscine au moins deux fois par semaine. C’est indispensable pour une bonne oxygénation, pour faire circuler le sang, pour faire vivre tout le corps. Les positions assises dans un fauteuil devant la télé, sur une chaise devant un ordinateur ou dans un véhicule sans bouger sont toutes nocives. L’homme est fait pour marcher, courir ou se reposer allongé.

- le sport est tout autre chose. Cela demande de l’entraînement, l’acquisition d’une technique, un matériel plus ou moins perfectionné et, surtout, un échauffement préalable. Personne ne devrait se mettre à jouer au tennis ou au foot, ce qui demande des accélérations ou des arrêts brutaux, sans s’être échauffé au préalable pendant au moins 20 minutes.

Mais le sport doit être dosé. Trop de vélo, trop de foot, trop de rugby ou de tennis enivre, apporte une certaine euphorie, mais fatigue les articulations, la structure musculaire et osseuse. Combien voit-on d’hommes et de femmes, encore jeunes, abandonner sport et exercice physique parce que trop d’efforts les ont usés ou lassés avant l’âge.

- quant au sport de compétition ce n’est plus vraiment du sport, même s’il utilise en les poussant à l’extrême les techniques d’un sport. La compétition individuelle ou en équipe est une survalorisation du moi, de l’orgueil et de dérives obsessionnelles poussés à l’extrême.

Quel gâchis de voir des jeunes gens ou des jeunes filles passer des heures chaque jour à répéter inlassablement les mêmes mouvements. Faire tous les jours pendant 3, 4, ou 5 heures des longueurs de bassin dans une piscine, avec pour seul horizon dans ses lunettes de nage la ligne de l’autre bord, est parfaitement insipide.

En outre, la compétition de haut niveau, dans tous les sports, qu’elle soit amateur ou, pire, professionnelle, est devenue une affaire d’argent, de corruption de joueurs ou d’arbitres, de dopage, et parfois de violences sur le terrain et dans les tribunes. Ce n’est plus du sport au sens noble du terme, c’est principalement un spectacle de force physique obtenue par des surentraînements. Les supporters qui hurlent dans un stade ou au bord d’une route participent à une fête, ils peuvent être solidaires dans cette fête, mais ce ne sont pas des sportifs, ils sont les spectateurs d’une manifestation commerciale.

On peut faire du sport pour le plaisir de se sentir bien dans son corps, mais si c’est pour se défoncer, le sport s’apparente alors à une drogue. On peut participer à un sport d’équipe pour le plaisir de s’entraider, de partager, de se connaître, mais aussi pour essayer de gagner à tout prix. Le sport peut être soit l’apprentissage de la démocratie, soit l’apprentissage du combat et de la guerre.

Je rêve de Jeux olympiques dont les participants seraient tirés au sort parmi de vrais amateurs et où la beauté du geste et de la fête, l’esprit d’équipe, la générosité compteraient plus que l’esprit de domination.

Voir : Compétition ou solidarité. École primaire. Enseignement.

Urbanisme participatif

Prendre le temps de créer une œuvre collective

En matière de projets d’urbanisme, la démocratie participative demande une procédure qui va bien au-delà de la simple information ou consultation des citoyens. Si on veut qu’un projet de restructuration d’un quartier réponde à l’attente des usagers, il faut que toutes les parties intéressées, propriétaires, organismes constructeurs, associations, riverains, conseillers municipaux, services municipaux, urbanistes, architectes travaillent ensemble.

La concertation nécessite que l’ensemble de ces partenaires prenne le temps de se rencontrer, d’échanger leurs informations, de défendre leurs intérêts et leurs convictions et, dans la confrontation et grâce à des échanges répétés, qu’ils parlent finalement le même langage.

Pour qu’une réelle concertation fonctionne et débouche sur des décisions concrètes, l’expérience a montré que plusieurs conditions devaient être respectées :

- chacun des partenaires doit être convaincu qu’il n’est pas le seul et qu’un travail en commun est nécessaire.

- une procédure de travail doit être définie et acceptée par les participants. Cela demande du temps et l’intervention d’un coordonnateur-médiateur.

- la concertation permet progressivement d’établir une confiance réciproque, à condition de respecter à chaque moment les procédures établies à l’aide du médiateur.

- il est important que la concertation soit mise en place dès le début, avant que tout projet ou toute reprise de projet ait été élaboré.

- d’où la nécessité de commencer par une phase de diagnostic permettant de réunir toutes les données et les contraintes du projet.

- enfin il faut y consacrer des financements suffisants, mais en général extrêmement faibles par rapport aux coûts finaux des projets.

Une telle procédure est lourde, mais finalement on évite bien des blocages, des retours en arrière et on gagne du temps. La décision finale reste l’attribut du Conseil municipal et du Maire auxquels il revient de se comporter comme nous l’avons vu à propos de la fonction et du rôle du décideur.

Quant au résultat, il n’est plus l’œuvre des seuls urbanistes et architectes ou le produit de la seule décision du maître d’ouvrage. On aboutit à un projet qui peut être classique ou novateur, mais surtout qui s’intègre en général mieux à l’environnement et est accepté par ceux qui vivront au quotidien ce quartier créé ou rénové.

Voir : Décideur. Démocratie participative.

Quartiers déshérités

Réhabilitation urbaine, travailleurs sociaux, emploi

À Grenoble le quartier Mistral était l’équivalent des célèbres Minguettes : de grandes barres d’immeubles avec des montées regroupant des appartements pour familles nombreuses et une cinquantaine de jeunes dans certaines montées.

Ces jeunes étaient en majorité de familles pauvres. Ils ne partaient pas en week-end, ils ne partaient pas en vacances, hormis quelques semaines de colonies de vacances pour les plus favorisés ; en dehors de l’école, ils étaient désœuvrés. Le seul endroit où l’on s’occupait d’eux, c’était l’école. À 11 h 30 ils sortaient de classe et, lorsque les deux parents travaillaient, la clé autour du cou, ils allaient chercher un sandwich sur la table de la cuisine. Avant midi, ils étaient de retour devant la porte de l’école et ils attendaient en groupe la rentrée à 13 h 30.

Désœuvrés le soir, les week-ends, touche à tout, rien ne résistait, ni les boîtes aux lettres des entrées, ni les rampes, ni les lampes d’escalier. Les pires faisaient les malins, des rodéos de voitures volées, des feux de poubelles. À l’aide d’un cric de voiture, d’une barre de ferraille comme pied-de-biche, certains visitaient les équipements de quartier, cambriolaient la halte-garderie, la bibliothèque, saccageaient parfois les écoles la nuit.

Un jour, le Directeur des polices urbaines me dit : « Dans le quartier, il y a 20 jeunes mineurs que nous connaissons qui sont des meneurs, des mauvais, ils font les grosses bêtises, les autres sont de braves gosses, même si quelques-uns se laissent parfois entraîner ». Je lui ai répondu : « Mais c’est formidable. Ce quartier compte plus de 2.000 moins de 20 ans, la plupart laissés à eux-mêmes et il n’y en a que 20 de pénibles, c’est-à-dire seulement 1 % ! ».

Le Maire, Hubert Dubedout, et les Adjoints au Maire concernés, Denise Belot, René Rizzardo, Bernard Gilman, François Hollard, pour n’en citer que quelques-uns, ont œuvré dès cette époque dans trois directions :

- construire des équipements au cœur du quartier, ouverts à ces jeunes : atelier bois, atelier fer, salle de judo, de karaté, salle d’instruments de percussion, club de canoë-kayak, plus des sorties hebdomadaires ou pendant les vacances.

- recruter des éducateurs de quartiers, des directeurs de Maisons de jeunes qui aient déjà de l’expérience. L’un des meilleurs avait été pendant 15 ans chef magasinier dans une grosse usine.

Contrairement à la tradition de l’Éducation nationale française, qui ne s’intéresse en général qu’aux meilleurs, ces éducateurs recrutaient, essayaient d’intéresser les jeunes les plus rebelles, ceux qui avaient quitté l’école. En leur apprenant à réaliser un objet simple, comme un porte-clés en métal pour leur petite amie, il s’agissait de leur montrer que le calcul et la lecture pouvaient être utiles et, aussi, qu’ils pouvaient réussir quelque chose.

Il y avait aussi les éducateurs de rues. Leur rôle était d’aller à la rencontre des groupes de jeunes, de bavarder avec eux, de les écouter, si possible de les emmener jouer au foot ou au basket sur les aires de jeux ou de leur faire connaître les ateliers de quartier.

- enfin, il a fallu amener les divers travailleurs sociaux, assistantes sociales de la CAF, de la DDAS, du CCAS, et la police de proximité… à travailler ensemble.

Ces actions étaient complétées par des centres de formation professionnelle proposés aux plus courageux ou par des entreprises de réinsertion effectuant des travaux sur le quartier de préférence, mais aussi dans d’autres quartiers. Au cours des trente dernières années, ces politiques de quartiers ont montré leur efficacité partout où elles ont été introduites. Malheureusement elles ont trop souvent dépéri faute de moyens et d’un soutien durable des pouvoirs publics.

Tout cela a un coût et demande beaucoup de ténacité de la part de ceux qui mettent en œuvre cette politique de la ville. Dans notre pays riche, nos institutions publiques, nos villes peuvent y consacrer une part de ce que l’on peut économiser sur les innombrables gaspillages publics et privés que nous connaissons. Il est indispensable de construire des logements sociaux dans les quartiers et les communes aisées.

Au XIXe siècle,  la France a découvert  l’importance  de l’instruction publique pour tous et la nécessité de bâtir des écoles, de former un instituteur pour 15 à 20 élèves, avec une administration qui encadre le fonctionnement de l’ensemble. De nos jours, dans les quartiers déshérités ou difficiles, on a besoin d’un ensemble d’équipements de quartier et, en plus des enseignants et des travailleurs sociaux, d’animateurs et d’éducateurs sportifs, musicaux, d’ateliers, d’éducateurs de rue. L’expérience montre qu’il faudrait environ un éducateur pour 100 jeunes afin d’assurer une présence 7 jours sur 7, y compris en périodes de vacances scolaires. C’est à ce prix, en plus des réhabilitations urbaines, des politiques de formation professionnelle et du maintien des services publics de quartier que l’on peut sauver ces quartiers et tous ceux qui y habitent.

Quant à l’emploi, il est insupportable de voir de bons éléments issus de ces quartiers, ayant fait l’effort de poursuivre des études ou d’acquérir une formation professionnelle, se retrouver au chômage. On connaît le cas de Bac + 5 qui « tiennent le mur » et voient passer les dealers en voiture de luxe. D’une façon plus générale cela pose le problème de la création d’emplois utiles, non délocalisables, et de la répartition du travail devenu une denrée limitée (voir l’article Emploi et chômage).

Voir : École primaire. Emploi et chômage. Expériences sociales et culturelles. Gaspillages.

Mobilités urbaines

Un facteur important de la vie commune

Les possibilités de déplacements sont un des piliers fondamentaux de la vie moderne et les transports en commun font partie des institutions de la démocratie. Un moyen de transport démocratique est un transport qui peut acheminer le plus grand nombre de personnes, en un temps suffisamment rapide, dans un confort satisfaisant et à un prix modique.

Pendant 50 ans on a voulu adapter la ville à la voiture. Il y a de plus en plus de voitures et même si on arrive à les rendre plus propres et plus petites, leur nombre augmente tellement qu’elles dépassent en surfaces de stationnement et de roulement les surfaces qui peuvent leur être allouées en ville. Comme nous le disions avec Hubert Dubedout maire de Grenoble dans les années 1970, on ne peut élargir les rues et on ne peut faire rentrer 10 litres d’eau dans une bouteille d’un litre. C’est toujours vrai. 50 % des déplacements en voiture sont de moins de 4 km et 40 % de moins de 2 km. On ne peut demander à un citadin de marcher 4 km à pied, cela lui prendrait plus d’1 heure ; on ne peut pas non plus lui demander de marcher 2 km, cela lui prendrait 30 à 40 minutes. Par contre 4 km à vélo, c’est rouler 15 à 20 minutes assis tranquillement et 2 km ne prend que 8 à 10 minutes. Bien évidemment cela n’est supportable que dans les villes plates ou à faibles déclivités.

Sous l’angle de la démocratie, tous les cyclistes sont à égalité et il n’y a pas dans ce mode de déplacement d’équivalent aux grosses voitures ostentatoires.

Le tramway, réintroduit dans les villes françaises à la fin des années 1970, a maintenant prouvé ses multiples avantages : c’est un transport de très grande capacité, beaucoup plus confortable que le bus. La création de lignes de tramway dans la ligne médiane d’artères auparavant à 4 voies de circulation automobile libère l’espace, recrée des perspectives urbaines, tout en laissant une circulation automobile suffisante pour les dessertes de quartier.

Une fois les centres d’agglomérations équipés, il faut maintenant desservir par des tramways périurbains, plus rapides et avec des stations plus espacées, les axes d’accès des grandes banlieues vers les centres villes avec des parkings de dissuasion pour y parquer les voitures individuelles.

Le tram est à la portée des villes moyennes. Il n’y a pas de places plus confortables que d’autres, la rapidité est la même pour tous. C’est un moyen de transport qui met les citoyens à égalité.

Quant à la voiture individuelle, nous savons que dans les banlieues dispersées et aux heures creuses, tant qu’un urbanisme amélioré n’aura pas permis de densifier l’habitat à proximité des grands axes de transports en commun, elle reste utile. Il est souhaitable que toute personne qui ne peut faire autrement que d’utiliser une voiture puisse en posséder ou en partager une, mais à condition qu’elle s’en serve le moins possible.

La voiture individuelle a de multiples défauts : elle est consommatrice d’énergie et d’espace, elle est polluante par les résidus d’hydrocarbures, les poussières qu’elle soulève, les bruits de moteur et de roulement, les surfaces énormes qu’elle occupe. Elle favorise l’individualisme, l’agressivité et l’inégalité. La liberté qu’elle est censée procurer se heurte aux limites physiques de la surface de la voirie. Au total, adieu liberté, égalité, fraternité. La voiture individuelle dégrade notre niveau de démocratie.

Depuis des décennies, les études sérieuses sur les déplacements en ville montrent qu’il ne sert plus à rien d’investir dans de nouvelles voiries urbaines qui incitent aux déplacements en voiture. La priorité doit être donnée aux transports en commun, bus, trams, taxis collectifs et à la réalisation de bandes et pistes cyclables, équipements publics qui incitent les citoyens à employer ces modes de transport peu polluants, plus conviviaux, plus démocratiques et finalement économiques pour la collectivité.

Voir : Paris ou la province. Seuils limites. Vitesse.

Vitesse

Un mythe des temps modernes

La vitesse est un mythe des sociétés modernes extrêmement nocif. Il a été inventé et imposé par ceux qui ont le pouvoir de former l’opinion, mus par l’esprit de compétition : les hommes politiques, les chefs d’entreprise et les journalistes.

Les responsables politiques, parce que le cumul des mandats, source de plus de puissance, leur a imposé pendant des décennies de courir dans tous les sens de leur Mairie au Conseil départemental, de leur ville à Paris, Strasbourg ou Bruxelles ; les chefs d’entreprise, parce qu’ils pratiquent eux aussi bien souvent le cumul de fonctions et qu’ils recherchent le profit maximum ; les journalistes parce qu’au lieu de prendre le temps de réfléchir et d’analyser, la concurrence entre les médias leur impose de montrer l’actualité la plus immédiate.

Un conseil en organisation expérimenté, qui avait étudié le fonctionnement de nombreuses entreprises de différentes dimensions, me disait un jour : il n’y a pas d’affaires pressées, il n’y a que des affaires en retard. Les Allemands ont un adage très sage : il faut se hâter lentement. J’ai connu un excellent chef d’entreprise alsacien, dont les usines textiles étaient florissantes en pleine crise du textile. Il ne sortait jamais ou presque de son entreprise. Il avait de bons cadres, de bons ouvriers, une bonne organisation. Il avait le temps, il n’était jamais pressé.

Il y a bien de temps à autres des urgences, mais elles doivent être limitées, elles ne peuvent être la règle permanente. Bien peu de personnes ont besoin d’aller en trois heures de Paris à Marseille, pas ceux qui partent en vacances, pas les retraités, pas les jeunes. C’est agréable pour chacun comme pour moi, mais cela n’a rien d’indispensable et coûte très cher à la collectivité.

Un chef d’atelier me disait : les transporteurs me proposent des livraisons d’un bout à l’autre de la France en 12 heures, alors je l’adopte, je commande en fin de journée pour le lendemain matin. Mais si on me disait qu’il faut 24 ou 36 heures, je prendrais mes dispositions en conséquence.

L’avion Concorde a été une aberration économique, financière et écologique pour transporter quelques privilégiés de Paris ou de Londres à New York en quelques heures. Le prix était de 8 100 euros en 2002 pour un aller-retour, alors que le même vol pouvait ne coûter que 450 euros sur les lignes classiques.

La vitesse coûte cher comme le montre aussi le trop de T.G.V. Cette frénésie de records techniques et de surinvestissements a amené la SNCF à privilégier des investissements ni rentables ni vraiment utiles au détriment de la modernisation des lignes régionales et interrégionales existantes. Au lieu d’aménager le territoire, on l’a déménagé en faveur des métropoles. La SNCF est maintenant obligée de lancer de grandes campagnes publicitaires pour inciter les français à voyager plus souvent et plus loin, alors qu’il faudrait au contraire les convaincre de modérer leurs déplacements. La grande vitesse pèse beaucoup trop lourd dans son déficit d’exploitation et elle est la première cause de son énorme dette.

Il ne s’agit pas de traîner à la vitesse des diligences, comme le disent en ricanant les penseurs binaires lorsqu’on critique la mode de la vitesse. Ici comme ailleurs, il s’agit de trouver la formule optimale : une vitesse qui permette de transporter un nombre maximum de personnes dans un temps raisonnable et avec une pollution minimale. Rappelons que sur les routes, c’est à 60 km/heure que l’on obtient les débits de voitures les plus élevés, le moins grand nombre d’accidents et une réduction significative de la pollution.

En matière de transports, plus que la vitesse, c’est la fluidité, la fiabilité et le juste à temps qui comptent. En matière d’information, plus que la vitesse, c’est la vérification et la qualité de l’analyse qui comptent. En ce qui concerne les entreprises, plus que la vitesse, c’est la réflexion et la justesse des décisions qui comptent.

Sauf quelques cas, qu’il faut prévoir pour mieux les résoudre, l’inutilité de la vitesse se vérifie dans tous les domaines de la vie économique, sociale ou culturelle.

Voir : Compétition ou solidarité. Décideur. Médias, presse écrite, Internet. Pensée binaire. Profit maximum ou juste bénéfice ?

Paris ou la province

Arrêter la démesure et les gaspillages

Il est surprenant d’entendre des dirigeants politiques ou économiques affirmer comme une évidence que si la France veut occuper une place importante en Europe, l’agglomération parisienne doit encore grandir et s’étendre. Ils n’ont pas l’air de savoir que l’Allemagne, qui occupe plus de place que la France en Europe, n’atteint que 3,5 millions d’habitants pour Berlin la capitale et 5,3 millions pour la conurbation urbaine de la Ruhr autour de Essen, alors que le grand Paris est déjà à 11 millions d’habitants.

L’agglomération parisienne est au cœur de la France un véritable cancer, dont les cellules se développent sans frein. Toute personne qui a des capitaux ou un savoir-faire trouvera d’autant mieux à les faire fructifier qu’elle s’installera dans une agglomération plus grande. Ces capitaux et ces savoir-faire entraînent des créations d’emplois, d’où un afflux de main-d’œuvre qui a plus d’espoir de trouver à s’employer là que dans l’un des multiples déserts français ou simplement dans une ville moyenne. A Paris, les salaires sont en moyenne 25% supérieurs à ceux de la province. D’autant que parmi les grandes villes de France, Paris a les impôts locaux les plus faibles.

Il en résulte des efforts financiers gigantesques, payés par l’ensemble de la nation, pour essayer de rendre la vie vivable à tous ces franciliens. On aboutit à la spirale infernale : toujours plus d’autoroutes urbaines, de rocades, de métros, de RER et maintenant le « Grand Paris express », projet de métro de 200 km autour de Paris, dont le coût a été annoncé à 15 milliards d’euros à l’origine, mais doit être multiplié par 2,5, soit environ 38,5 milliards d’euros et encore beaucoup plus, suivant le mode de financement,  d’après un récent rapport de la Cour des comptes. Chaque métro plus profond que le précédent coûte plus cher, chaque rocade plus lointaine et plus longue avec plus de tunnels coûte plus cher. Rungis est devenu le plus grand marché de gros du monde.

Les coûts des investissements par tête d’habitant, des déplacements, des logements, des heures perdues en transports, pour toujours plus d’inconfort, représentent un gaspillage faramineux. Un exemple : le Ministère de la culture reconnaît qu’il subventionne à hauteur de 139 € chaque habitant de l’Ile de France et seulement à hauteur de 15 € les autres citoyens de notre pays1.

Les penseurs binaires vont répondre, vous voulez nous obliger à vivre à la campagne au lieu de vivre à Paris. Entre la ville et la campagne, il y a les villes moyennes, non pas les agglomérations de Lille, Marseille, Lyon déjà trop grosses, mais les agglomérations de 500.000 à 1 million d’habitants au plus. On peut y trouver tous les  équipements  culturels,  universitaires,  techniques  nécessaires. Les transports en commun et les pistes cyclables, qui sont l’avenir des villes, peuvent y être améliorés pour des coûts et des temps de transports raisonnables.

Freinons le développement de la région parisienne, en refusant la spirale inflationniste d’équipements toujours plus coûteux et aussitôt insuffisants. Favorisons les transferts vers les agglomérations de taille moyenne et le développement des réseaux ferrés intercités confortables et rapides, sans être ultra rapides pour converger vers la capitale. La France en sera plus heureuse et plus riche.

1Le Monde, 24 avril 2018, p.21, Article des présidents du Syndeac, ACDN, ACNCM.

Voir : Gaspillages. Pensée binaire.

Immigration

Aider à rester au pays

700 millions d’êtres humains, près de10 % de l’humanité, vivent dans l’extrême pauvreté avec moins de 2 euros par jour, sans eau potable pour la majorité d’entre eux. C’est tristement vrai. Mais cela veut dire que des milliards d’êtres humains vivraient mieux en France que chez eux, même en vivant mal chez nous comparé à ce dont nous bénéficions.

Il est vrai que la France a été une terre d’accueil et de métissage au XXe siècle, mais depuis trente ans l’immigration a profondément changé. Sur trois plans :

- au début du siècle l’immigration était en majorité européenne et de culture judéo-chrétienne, ce qui favorisait l’assimilation des arrivants.

- les demandes d’entrée en France d’immigrés représentaient une part de la population française beaucoup moins élevée que ce qui résulterait actuellement d’une ouverture complète des frontières

- enfin, nous n’admettons plus les conditions d’accueil très frustres, et même scandaleuses, qui étaient celles des immigrés au cours du XXe siècle.

En se référant à ce qui s’est passé au cours des trente glorieuses, les partisans d’une immigration libre disent que si on ouvrait les frontières, il ne se produirait pas un afflux d’immigrés. Or, pour les populations pauvres aussi beaucoup de choses ont changé. Je le constate à chaque fois que je vais en Afrique avec mon ONG humanitaire :

- dans les villages les plus reculés des régions pauvres, on peut aller voir la télévision au café du bourg le plus proche, même s’il faut marcher 10 ou 20 km ; les élèves la regardent dans les collèges. Les programmes télé montrent la vie aisée, sécurisée, avec accès aux services essentiels, dont nous bénéficions dans les pays occidentaux.

- à cause des guerres et de la surexploitation par les grandes sociétés agricoles et minières, des millions de personnes qui menaient une vie agricole ou artisanale frustre, mais leur permettant de survivre, sont tombées au cours des vingt dernières années dans la misère extrême.

- ils ont sous les yeux la réussite de ceux qui sont arrivés à aller travailler dans les pays riches. En voyage en Kabylie, il y a quelques années, j’ai constaté que les retraités algériens, qui avaient travaillé toute leur vie en France, bénéficiaient, compte tenu du taux de change réel pour les biens de consommation courante, d’un niveau de vie sans comparaison avec celui de ceux restés au pays.

Il y a quelques années le journal Le Monde avait consacré une double page à la vie en Algérie. Le reportage se terminait par la phrase d’un jeune algérien qui disait : « Je crois qu’il vaut mieux être poteau téléphonique au bord d’une route de France que jeune en Algérie ». Comment pourrait-il ne pas vouloir venir en France, lorsqu’il voit ce que rapportent au pays ceux qui y sont arrivés ? Ce qui est vrai pour lui est vrai pour des centaines de millions d’autres dans le monde, c’est ce qui a changé par rapport aux années 1970.

Pour leur permettre de vivre chez eux, il faudrait que chaque ville de France, chaque Conseil général, chaque Région, chaque entreprise prenne en charge une ville, une zone rurale ou un pays et leur apporte des aides en matière de santé, de formation (lire, écrire, compter, artisanat, agriculture), d’équipements locaux (puits, élimination des eaux usées, cultures sobres en eau, énergie solaire, etc.). C’est ce que l’on appelle la politique de coopération décentralisée.

L’ONG avec laquelle je travaille organise des parrainages d’enfants. Avec 30 euros par mois, on nourrit, habille, paye les fournitures scolaires et le logement à des orphelins placés dans des familles, avec un petit bénéfice pour la famille. Cela montre qu’avec peu d’argent, si tout le monde s’y mettait, particuliers, collectivités, entreprises, on pourrait aider des millions de personnes à rester dans leur village.

Pour ceux qui continueraient à vouloir partir en trop grand nombre pour notre capacité d’accueil en logements, en travail et en intégration, et en attendant que les mesures d’aide fassent leur effet pour les amener à rester au pays, il faudrait une flotte spécialisée qui intercepte les bateaux et les barques de réfugiés et que l’Europe les ramène non pas à la côte où ils ont embarqué, mais chez eux dans de bonnes conditions sanitaires.

Ceux qui sont déjà en France, en attendant qu’il soit statué sur leur sort, il faut bien sûr les autoriser à travailler et même à voter aux élections locales après quelques années de présence. Mais pour ceux que l’on est obligé de renvoyer chez eux, sinon tous veulent venir, les centres de rétention continueront malheureusement à exister. Encore faut-il absolument les humaniser, c’est-à-dire qu’ils offrent un nombre de lits et de chambres suffisants et qu’ils soient bien entretenus. Les avocats et les associations qui défendent ces déracinés et qui leur apportent une aide doivent pouvoir leur rendre visite, pas seulement dans des parloirs, mais jusque dans les chambres, les réfectoires, les sanitaires et les lieux de réunion.

Pour aller plus loin, il me semble que ceux qui demandent la liberté complète pour tous, immigrés mais aussi professionnels, de circuler et de s’installer en tout lieu adoptent les idées de la droite néolibérale : laissez faire et par le jeu des forces en présence tout se régulera de soi-même. Dire que tout un chacun peut s’installer là où il veut, c’est le néolibéralisme, la loi du plus fort ; ce sont les mieux formés et les plus riches qui quitteront leur pays et viendront habiter les pays développés.

Des règles d’entrée et de séjour sont inévitables, mais il faut des contrôles respectueux des hommes et des femmes interpellés. Et surtout, nous devons aider ces populations à vivre chez elles en jumelant, comme je le disais plus haut, les personnes aisées, les communes, les départements, les régions et les entreprises avec des personnes, des villages et des villes qui ont besoin de notre aide.

Voir : Échanges extérieur. France, le beau-pays. Libéralisme. Murs et barrières.

Murs et barrières

Les riches se protègent des pauvres

Les inégalités entre pays riches et pays pauvres s’accroissent et à l’intérieur d’un même pays les inégalités entre groupes de population riches et groupes de population pauvres s’accroissent également. Les moyennes statistiques qui concernent l’ensemble de la population d’un pays ne signifient pas grand-chose sur le plan humain.

Dans tous les pays, les plus riches continuent à s’enrichir et les plus pauvres sont de plus en plus nombreux. Or, à la différence de ce qui se passait il y a 50 ans, lorsqu’on circule dans des zones très pauvres en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud, on constate que les pauvres continuent à ne disposer ni d’électricité, ni de télévision, mais, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, au bourg le plus proche à 10, 15 km à pied depuis chez eux ou à l’occasion de déplacements à la ville, tous ont vu à la télévision le confort des pays et des groupes qui ont une vie confortable : logement étanche, nourriture, eau courante, chauffage, écoles, hôpitaux, etc.

C’est ainsi que des centaines de millions de pauvres voudraient aller vivre, ne serait-ce que de leurs miettes et de leurs surplus, auprès des riches ou des aisés. D’où les murs qui se construisent entre pays :  à la frontière entre le Mexique et les États-Unis la barrière a 1.100 km de long ; l’Inde termine autour du Bangladesh une double barrière de 3.200 km de murs et de barbelés où les patrouilles tirent à vue sur tout ce qui bouge ; à la frontière entre Israéliens et Palestiniens Israël construit un mur infranchissable de 700 km. Bien d’autres barrières infranchissables existent à travers le monde et s’allongent d’année en année, sans oublier les barrières maritimes.

Dans les pays pauvres, mais aussi à l‘intérieur des pays riches dont une forte proportion de la population est pauvre – aux États-Unis environ 20 % de la population se situe au-dessous du seuil de pauvreté – se développent ce qu’on appelle des villes privées. Il y a des décennies que les grandes sociétés pétrolières ou minières ont organisé dans les pays d’Afrique de tels villages gardiennés pour leurs personnels. Au Venezuela, les habitants de certaines cités privées ne sortent qu’en convois accompagnés de gardes du corps lorsqu’ils vont en ville pour travailler ou faire leurs courses ou lorsqu’ils rendent visite à d’autres cités. Cela leur permet de traverser des quartiers jugés dangereux.

En France même, il y a déjà 20 ans, j’avais visité non loin de Nice un quartier privé. Il était composé d’immeubles, d’appartements, avec un petit centre commercial, des restaurants, une piscine de quartier, des tennis, le tout entouré d’une enceinte-barrière surveillée par les patrouilles d’une police privée avec des chiens. Pour entrer dans ce site, il fallait s’arrêter à un poste de garde et prouver que l’on habitait là ou qu’un habitant vous avait invité.

Le mur de Berlin est tombé, mais partout dans le monde montent des murs bien plus étanches que des frontières, des murs destinés à la protection des riches. On estime à plus de 40.000 km de longueur les dizaines de murs érigés entre des pays à travers le monde.

Le choix n’est plus entre démocratie ou barbarie. Nous nous dirigeons vers démocratie et barbarie : des cités où règne un certain ordre sécuritaire à l’abri de clôtures et de gardes privées, administrées sous une forme de gouvernance locale, entourées de zones où la violence, la loi du plus fort, des mafias et des groupes dominent. Ce qui existe déjà dans bien des villes, pas seulement en Amérique latine ou en Afrique, en Europe aussi.

Voir : Égalité de droits. Immigration.

Climat et démocratie

L’espèce humaine survivra dans des bulles

    La vie sur terre est menacée, très menacée, par le réchauffement climatique. La situation est beaucoup plus grave que ce que disent les discours  et les commentateurs officiels. Il n’y a pas besoin d’être un grand expert scientifique, ni de réunir une énième convention sur le climat, pour savoir que le réchauffement de l’atmosphère terrestre est irréversible. Pire, c’est un phénomène qui s’amplifie en se développant.

    Quatre grandes causes provoquent ce réchauffement :

-  la population mondiale va continuer à croître. On prévoit de passer de 7 milliards d’habitants à 10 milliards au cours de ce siècle.

-  les riches continueront à consommer de plus en plus et les classes moyennes et les pauvres de tous les pays, développés ou en développement, rêvent légitimement de voir leur vie matérielle  se rapprocher de celle des riches. Toujours plus de logements, de transports automobiles, de bateaux, d’avions, de produits industriels et agricoles, de voyages et de résidences touristiques.

-  la fonte des calottes glaciaires arctiques et antarctiques diminue les surfaces de banquise qui réfléchissent les rayons du soleil et celui-ci réchauffe de plus en plus les océans.

-  au Canada et en Sibérie la fonte progressive du permafrost va libérer des quantités énormes de gaz à effet de serre, méthane et CO2, produites par les déchets végétaux enfouis depuis des millions d’années sous une croûte de glace.

   Tout cela concourt à amplifier la production de gaz à effet de serre et il nous est maintenant impossible d’arrêter ces mouvements. Depuis 50 ans les écologistes, le Club de Rome sous une forme très pondérée, l’ont annoncé très clairement, mais on les a traités de cassandres et de troubles fête.

    Résultat, avec les déforestations, les désertifications, la perte de biodiversité, la diminution des surfaces et des rendements agricoles, la pollution des mers, des océans et des nappes phréatiques, l’élévation du niveau des mers, la vie va devenir insupportable ou même impossible pour une humanité qui cherche à vivre dans une atmosphère tempérée. D’autant que l’augmentation de l’écart des températures entre la surface du globe et la haute atmosphère va amplifier les tourbillons atmosphériques, multiplier et aggraver les tempêtes, les cyclones, les pluies diluviennes, ainsi que les périodes de sécheresses et de températures extrêmes.

    Comment se protéger de ces phénomènes ? L’humanité ne va sans doute pas disparaître, mais très probablement une partie seulement des êtres humains survivra à l’abri dans de très grandes bulles où toutes les conditions de vie seront contrôlées. Nous en avons déjà un exemple avec les grands hôtels de Las Vegas construits en plein désert, les gigantesques paquebots de croisière, les parcs de loisirs des pays du nord où l’on vit sous air conditionnée à une température tropicale en plein hiver, les centres commerciaux réfrigérés des pays chauds. Dans ces ensembles 6.000 à 8.000 personnes peuvent vivre à l’abri des perturbations extérieures ; c’est la population de nombre de petites villes en France.

    Les techniques modernes permettront de construire des bulles d’habitation, de travail et de vie beaucoup plus vastes que les grands hôtels ou les paquebots actuels. Les stations spatiales imaginées par les auteurs de science fiction et ceux qui veulent partir à la conquête de l’espace ont peu de chance d’être réalisées sur d’autres planètes, par contre leurs équivalents pourront être construits sur terre pour abriter ceux qui survivront aux cataclysmes climatiques.

    A l’intérieur pourra s’exercer un pouvoir démocratique, mais il sera réservé exclusivement à ceux qui seront autorisés à résider dans ces cité-bulles. Ce sera un retour vers la forme athénienne de la démocratie réservée aux « citoyens ». Vis-à-vis de l’extérieur une guerre de protection sera menée par une armée ou des milices locales, aidées par les armées des bulles voisines, contre les survivants extérieurs qui voudraient accéder à la sécurité. Comme dans tout état de guerre, cette double guerre permanente contre les éléments naturels et contre les survivants extérieurs, aboutira très certainement et malheureusement à un niveau bien médiocre de démocratie.

    Ce qui ne nous interdit pas, en attendant ou pour éviter ces situations extrêmes, d’essayer dès maintenant  d’évoluer vers plus de démocratie. Pour lutter efficacement contre ce réchauffement climatique qui menace une grande part de l’humanité, il faudrait un nouveau 1789, une « nuit mondiale du 4 août »1, une révolution pacifique qui abolisse l’ordre économique actuel avec ses privilèges écologiques et économiques et le remplace par une démocratie permettant à l’ensemble des humains de défendre leur existence sur la planète terre.

    Encore une fois, seule une démocratie de haut niveau, apportant une information complète sur les risques à venir, organisant un débat ouvert à tous sur les mesures à prendre, permettra d’adopter et d’imposer les mesures draconiennes de sobriété indispensables pour limiter le réchauffement climatique et se protéger de ses effets.

1. Voir le remarquable article de Claude Henry, Président du Conseil scientifique de l’Institut du développement durable et des relations internationales, dans Le Monde du 6 septembre 2018, p.20.


Voir : Droite, gauche, écologistes. Murs et barrières. Principes de la démocratieRéférendum. Suffrage universel.