Propositions pour une VI° République démocratique, sociale et écologique


François LALANDE

Vers la démocratie

La démocratie un objectif à atteindre

Une expérience et un projet humains

La démocratie, appliquée à tous les citoyens résidents ou originaires d’un même territoire, n’apparaît que dans l’époque modern1. Elle est une expérience et un projet humains. Elle est différente des sociétés aristocratiques, qui ne reposent pas sur l’idée d’égalité entre les hommes, mais sur le principe d’une hiérarchie fondée sur les appartenances de l’individu à sa naissance.

Jean-Jacques Rousseau a écrit que pour qu’il y ait démocratie, il fallait un accord entre les participants, un contrat social. Cela suppose qu’il y ait égalité entre les contractants.

Sur le plan politique, on définit la démocratie comme le « Gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple » suivant la formule d’Abraham Lincoln. Mais ce n’est pas suffisant. Il ne suffit pas non plus que des élections libres puissent se dérouler, qu’une majorité parlementaire décide ou qu’un référendum tranche pour que l’on soit en démocratie.

Pierre Mendès France disait que la démocratie n’existe pas en valeur absolue, qu’elle est une valeur relative, un objectif, un processus permanent, un idéal vers lequel nous devons tendre2. On ne peut donc pas affirmer que telle ou telle société est démocratique, mais seulement qu’une société est plus ou moins démocratique. Un certain nombre de critères, les principes de la démocratie, permettent d’évaluer à quel niveau de démocratie un pays ou une fédération de pays se situe.

Au-delà de ces principes, la démocratie n’est pas seulement une forme d’institutions, elle est plus encore une exigence morale et philosophique. Pour qu’un pays atteigne un bon niveau de démocratie, il ne faut pas seulement des institutions qui répondent aux critères de la démocratie, il faut aussi des hommes et des femmes démocrates pour les faire fonctionner en respectant les principes de la démocratie.

Dans l’idée de démocratie, il y a une dynamique vers plus de justice, d’égalité, de liberté, ce qui en fait l’un des facteurs les plus puissants de l’évolution des sociétés.

C’est ce que l’on a constaté dans de grands pays comme l’Inde, le Brésil ou la Turquie au siècle au cours duquel ils ont été des exemples de progression démocratique et économique pour la majeure partie de la population. Par contre la Chine et la Russie ne veulent pas appliquer la démocratie à l’occidentale, parce qu’elles sont aux mains d’une oligarchie et que la partie de la population active la plus dynamique profite de cet état de fait ; mais cela signifie peu d’espoir pour une grande partie de la population de sortir de la pauvreté et de la dépendance.

On doit alors rappeler la célèbre boutade de Winston Churchill suivant laquelle « la démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes ». À condition, bien sûr, de respecter les principes énumérés ci-après et de ne pas qualifier des pays de « démocratiques » simplement parce qu’ils organisent des élections au suffrage universel.

1La démocratie athénienne a inauguré la prise de décision collective par le vote des « citoyens », mais les citoyens n’incluaient ni les femmes, ni les esclaves qui faisaient pourtant partie de la population résidente.

2Voir : Pierre Mendès France, La République moderne, Gallimard, 1966.

Critères  de la démocratie

Juger du niveau de démocratie d’un pays ou d’une société.

J’appelle critères de la démocratie les principes qui fondent une démocratie, qui permettent de juger si une société, non seulement par l’organisation et le fonctionnement de ses institutions politiques, mais aussi la société civile, est plus ou moins démocratique.

Il est nécessaire de rappeler ici qu’il n’y a pas de démocratie sans un Etat nation ou un Etat fédéral pourvu de frontières dans un espace donné, non pas pour l’isoler, mais pour lui permette de réguler les circulations de personnes, de biens et de capitaux dans ses échanges avec les Etats extérieurs.

Ces critères sont nombreux :

1. Égalité. Tous  les  hommes  et  les  femmes  sont  égaux  sur le  plan  politique,  mais  aussi  sur  le  plan  social  et  sur  le  plan économique. Égal ne veut pas dire identique, mais ayant les mêmes droits fondamentaux.

2. Liberté. Tous les hommes et les femmes sont libres, dans la mesure où leur liberté ne leur donne pas des avantages qui nuisent aux autres membres de la société. Toutes les libertés ont des limites, y compris celles des médias ou des humoristes. Corollaire de la liberté, chacun est autonome et se détermine par lui-même.

3. Solidarité. La fraternité, troisième point de la trilogie républicaine traditionnelle, ne peut s’imposer, c’est une affaire de sentiments. Par contre la solidarité est un devoir républicain, parce que nous sommes tous interdépendants et que l’égalité ne peut se concevoir sans une aide des plus forts au bénéfice des plus faibles.

4. Justice. Tout citoyen doit avoir droit à une justice indépendante du pouvoir politique et des justiciables, à même aussi de rendre la justice dans des délais raisonnables.

5. Laïcité. Le principe de laïcité exprime la liberté de conscience de l’individu. Aucune Église ne peut imposer des croyances ni des règles personnelles, chacun décide seul de ce qu’il croit. Aucune église ne peut non plus imposer des règles à l’État, dont les règles doivent être librement choisies par une majorité de citoyens.

6. Sobriété. Les ressources de la planète sont limitées. Il ne peut donc y avoir d’égalité ni de liberté pour la majeure partie de la population, si la sobriété n’est pas imposée aux plus riches et aux plus forts.

7. Constitution. Une Constitution, supérieure à la loi, est établie par une Assemblée constituante. Cette Constitution organise la prise des décisions par les représentants élus par les citoyens au suffrage universel, ainsi que le contrôle de l’exécution de ces décisions.

8. Une seule voix. Les décisions collectives sont prises par le vote et chaque personne humaine a une voix, est égale aux autres et ne dispose que d’une seule voix.

9. Majorité. La loi et les décisions arrêtées par la majorité s’imposent à tous, notamment à la minorité, mais aussi aux dirigeants élus. Ceux qui sont en charge de l’exécutif ont le devoir de faire appliquer les décisions de la majorité.

10. Minorités. La majorité respecte la minorité ou les minorités et les laisse s’exprimer. Elle laisse la possibilité à la minorité de devenir majorité. C’est là un des principes essentiels de la démocratie. Les minorités doivent appliquer les décisions de la majorité, mais elles ont le droit d’essayer de les faire modifier par un nouveau vote.

11. Liberté d’expression. Chaque citoyen a le droit de s’exprimer librement et de diffuser ses opinions et ses idées dans les limites de tolérance et de respect des us et coutumes traduits dans les lois.

12. Information et transparence. La démocratie demande réflexion de la part du citoyen et donc information, c’est-à-dire la transparence dans toutes les affaires publiques pour que le citoyen soit informé, qu’il puisse participer au débat et faire connaître son avis avant le vote et même après le vote.

13. Enseignement élémentaire. Pour pouvoir participer à la vie démocratique tout citoyen doit savoir lire, écrire, compter, s'exprimer, comprendre un texte ou un discours simple à partir d’une base commune de vocabulaire.

14. Séparation des pouvoirs. Les pouvoirs sont séparés, mais la Constitution organise leur coopération. Ces pouvoirs sont le législatif, l’exécutif et le judiciaire, mais aussi l’information, l’éducation, la recherche et la propriété. Chaque pouvoir doit avoir un rôle et des limites définis par la loi.

15. Commissions indépendantes. Des commissions indépendantes doivent pouvoir être mises en place et recevoir des aides publiques pour leur fonctionnement. Leur rôle est d’analyser, d’émettre des critiques et des propositions afin d’éclairer les citoyens et les élus.

16. Espace régulé. La démocratie ne peut exister que dans un espace délimité à l’intérieur duquel existe une autorité politique, par exemple un pays ou une fédération de pays ayant des frontières. À l’intérieur de ces frontières un gouvernement élu par les citoyens dispose de pouvoirs de régulation, de contrôle et de coercition.

Suivant la façon dont chacun de ces principes est appliqué, le pays sera plus ou moins démocratique. Par exemple, les Français disposent d’une liberté d’expression quasi totale, mais d’autres principes comme la séparation des pouvoirs y sont très mal appliqués, ce qui ne met pas la France au niveau des pays les plus démocratiques.

Voir : Besoins fondamentauxCommissions indépendantes. Constituante. Démocratie participative. Constitution de la Ve République. Constitution d’une VIe République. Droits fondamentaux.

Valeurs universelles

Malgré ses diversités l’humanité est une et indivisible

Devant la montée des intégrismes religieux et notamment l’extension de l’Islam qui, dans sa grande majorité, refuse la laïcité, ainsi que l’égalité femme/homme, on entend dire parfois qu’au nom du respect des religions ou de cultures et de coutumes différentes des nôtres, on devrait admettre que nos valeurs occidentales ne sont pas universelles. Mais, comme nous le verrons par exemple à propos des religions, bien des règles imposées par les religions et les autorités religieuses ne sont pas forcément respectables.

La Déclaration universelle des droits de l’homme est bien dite « universelle ». Elle a été adoptée par la majorité des pays adhérents à l’ONU. Elle pose des principes et des valeurs qui ne sont pas réservés aux pays occidentaux.

L’article 1er de la Déclaration reprend les trois valeurs fondamentales de liberté, égalité et fraternité. Les articles suivants énumèrent tous des droits qui découlent des valeurs de la démocratie : non-distinction de race, de sexe, de religion, d’opinions politiques ; droit à la sûreté de la personne, interdiction de l’esclavage, des mauvais traitements ; droit à une justice indépendante et impartiale, à la présomption d’innocence ; respect de la vie privée, consentement des époux au mariage ; liberté de circuler dans son pays et d’en sortir ; liberté de pensée, de s’exprimer, de religion, d’association ; droit et liberté de vote ; droit au travail, à la santé, au repos, à l’éducation.

Ces droits ne peuvent être limités que par la loi en vue d’assurer le respect des droits et des libertés d’autrui.

Même dans les pays qui n’ont pas adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme, on constate que les valeurs qu’elle énonce sont reconnues par les esprits libéraux. Et dans tous les pays du monde les valeurs qu’elle ne contient pas comme la laïcité, sont en général admises par les esprits éclairés, intellectuels, écrivains, journalistes.

Lorsqu’on passe en revue l’ensemble de ces valeurs, on constate avec regret que la France, même s’il existe des pays bien pires qu’elle, n’est pas exemplaire sur un très grand nombre de points. Dans les dernières années, la politique de notre droite libérale et celle de nos partis libéraux soi-disant de gauche, malgré leurs déclarations fracassantes la main sur le cœur, cette politique dans les faits, sur le terrain, nous a fait régresser considérablement qu’il s’agisse de l’accès à l’enseignement supérieur, du fonctionnement de la justice, de la justice fiscale, du droit au travail, du droit au logement ou de l’accueil des étrangers. Le niveau de la démocratie en France a régressé.

Voir : Immigration. Laïcité. Principes de la démocratie. Religions. Tolérance.

Droits fondamentaux

La reconnaissance et le respect de chaque être humain

La démocratie pose comme principe premier que tous les êtres humains sont égaux en droit, qu’ils ont les mêmes droits. Pourtant l’humanité est diverse, il existe des forts et des faibles, des riches et des pauvres, des intelligences plus ou moins alertes. Mais chaque être humain, quels que soient ses dispositions et son héritage personnel, a des droits fondamentaux : le droit de disposer d’eau propre, d’une nourriture suffisante pour être en bonne santé, d’un logement qui le mette à l’abri des intempéries ou du soleil, de soins en cas de maladie, d’apprendre à lire, à compter, à écrire, à s’exprimer, le droit de circuler librement à l’intérieur de son pays, de voter. On est là encore bien loin de ce qu’énonce la Déclaration universelle des droits de l’homme.

À partir de ces droits vitaux chacun doit pouvoir s’efforcer, en fonction de ses capacités personnelles et de sa volonté, de choisir sa vie, même si les possibilités de choix de chacun sont conditionnées par son environnement immédiat, sa famille d’origine, son village, son quartier, son pays.

Il ne s’agit nullement de vouloir tout uniformiser, tout égaliser – la diversité est source de vie et de richesse – mais il n’en reste pas moins que tout être humain, quelles que soient ses capacités et son environnement, devrait se voir assurer l’accès à ces droits fondamentaux. Or 1/10e de l’humanité, c’est-à-dire 750 millions d’êtres humains, n’a pas accès à l’eau potable et près de 1 milliard d’êtres humains vit avec moins de 2 € par jour et n’a pas de système correct d’évacuation et de traitement des eaux usées.

Lorsqu’on constate qu’avec 30 euros par mois, soit 1 euro par jour, en parrainant un enfant d’un pays pauvre, on paye sa nourriture, son habillement, son logement, ses frais de scolarité et ses fournitures scolaires, cela signifie que les surplus et les gaspillages des populations des pays riches pourraient financer largement l’accès aux droits fondamentaux des populations les plus pauvres.

Voir : Besoins fondamentaux. Égalité de droits. Immigration. Principes de la démocratie.

Égalité de droits

L’égalité n’est pas l’uniformité

Égalité, voici un mot qui utilisé comme un mot fourre-tout, sans quelques adjectifs complémentaires pour préciser le sens qu’on lui donne, peut tout vouloir dire et est la source de multiples confusions.

En premier lieu, il ne faut pas confondre égalité et uniformité. Les êtres humains naissent différents les uns des autres, dans des contrées, des cultures et des milieux sociaux différents. Le monde vivant est riche d’une diversité qu’il faut préserver. Ce monde d’hommes et de femmes, comme dans toute la nature, est profondément inégalitaire. Mais le propre de l’espèce humaine, à la différence des animaux ou des plantes, est de refuser la loi de la jungle, c’est-à-dire la loi du plus fort, la soumission du faible par le fort. Chaque être humain devrait pouvoir être autonome et se déterminer lui-même.

Lorsqu’on parle d’égalité des droits en démocratie, il ne s’agit pas de passer tout le monde au rouleau compresseur de l’uniformité, il s’agit de l’égalité de tous les citoyens devant la loi, de l’égalité en matière de droits fondamentaux, juridiques, sociaux, économiques ou environnementaux.

Droits juridiques : liberté de s’exprimer, de circuler dans son pays, de voter à raison d’une voix par être humain, égalité devant la justice, mêmes règles pour tous.

Droits sociaux : nourriture suffisante, accès à l’eau potable, loge- ment sec et chauffé, éducation de base, soins de santé.

Droits économiques : formation professionnelle et droit au travail, possibilité d’améliorer sa situation si on en a la capacité et la volonté.

Droits environnementaux : environnement sain par une organisation collective de la protection de l’environnement, maintenant et dans le futur.

L’égalité démocratique doit assurer à chacun ces droits fondamentaux, dont le niveau varie dans le temps et suivant la richesse et l’organisation sociale de la contrée dans laquelle on vit. Mais ils laissent subsister de grandes inégalités, ils ne doivent pas tomber au-dessous de certains seuils et la collectivité doit veiller à ce que ces inégalités ne portent pas atteinte aux besoins élémentaires des plus démunis et les aide à participer comme tout citoyen à la vie sociale et civique.

Voir : Besoins fondamentaux. Droits fondamentaux. Mots fourre-tout.

Tolérance

Un des maîtres mots de la démocratie

La tolérance est une des vertus essentielles de la démocratie. Chaque citoyen est libre et majeur, il doit être laissé libre de penser ce qu’il veut.

La première forme de tolérance a été d’accepter que d’autres, des voisins aient une religion différente. Puis la démocratie a établi que les minorités avaient le droit d’exister et de s’exprimer publiquement à côté de la majorité.

Enfin, principe fondamental de la démocratie, non seulement la majorité est tenue de respecter les minorités, mais elle doit laisser la possibilité à une ou plusieurs minorités associées de devenir majorité et de la remplacer.

Cependant, la tolérance, comme la liberté, connaît de multiples limites. La première, et cela peut paraître paradoxal, est que les tolérants ne doivent pas tolérer les intolérants, sinon ce sont les intolérants qui triomphent et qui finissent par éliminer les tolérants. Par exemple, dans les pays arabes des bords de la Méditerranée, en Tunisie, en Egypte, il y a quelques années les étudiantes étaient habillées à l’européenne ; maintenant la majorité d’entre elles porte le voile, symbole d’une religion qui refuse l’égalité entre hommes et femmes. Pour la plupart d’entre elles, ce n’est ni de leur initiative, ni de leur plein gré : les intégristes intolérants ont imposé leurs règles.

Dans un pays démocratique, on ne peut tolérer que des citoyens propagent des croyances contraires aux droits de l’homme ou au respect de la personne humaine. Ce qui est admis ou n’est pas admis a varié dans le temps, mais un fonds de valeurs universelles s’est dégagé et a été acté dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cette Déclaration peut évoluer, mais elle ne peut être amendée que par un consentement de la quasi-totalité des peuples et des instances internationales.

La tolérance vis-à-vis des religions signifie que chacun peut exercer librement sa religion, mais cela ne veut pas dire que l’on doive admettre toutes les idées ou toutes les pratiques instituées par les hommes qui disposent de l’autorité religieuse.

On entend trop souvent dire qu’il faudrait accepter ce qui fait partie de l’enseignement d’une religion au nom du respect dû aux religions. Non, tout ce qui est religieux ou prescrit par des autorités religieuses n’est pas acceptable : ce qui est contraire à la Déclaration des droits de l’homme, contraire à la laïcité, à la liberté individuelle, à l’égalité entre les personnes et, notamment, entre les hommes et les femmes, ce qui est signe de soumission et de dépendance ne peut être autorisé.

Tolérance, égalité, dignité, laïcité font partie des maîtres mots de la démocratie.

Voir : Laïcité. Liberté. Majorité culturelle. Minorités. Principes de la démocratie. Religions. Valeurs universelles.

Laïcité

Liberté individuelle et respect des lois de la République

La laïcité se traduit par la séparation des Églises et de l’État : les  Églises, les religions n’ont pas à intervenir juridiquement dans les affaires de l’État. Elles n’ont pas non plus à imposer des règles obligatoires aux individus et aux familles. Chaque individu doit pouvoir rester maître d’accepter ou non personnellement les injonctions d’une Église.

La laïcité est un moyen de vivre ensemble, elle est l’un des fondements d’une démocratie moderne. Elle en est une des conditions nécessaires, mais elle n’en est pas non plus une condition suffisante.

L’État n’a pas à favoriser ou à financer une religion. Il laisse les adeptes libres de se réunir et de se forger des règles, à condition que chaque fidèle demeure libre de les mettre en pratique ou non. Ces règles ne doivent pas aller non plus à l’encontre des principes et des valeurs posés par la Déclaration universelle des droits de l’homme ou à l’encontre des lois votées par le Parlement de la République, lois communes à tous les citoyens résidant sur le territoire.

La laïcité est beaucoup plus mise en débat en France que dans la plupart des pays d’Europe, parce que la France a été marquée pendant des siècles, sous la royauté, par l’emprise de l’Église catholique sur l’État. Dans les pays de tradition protestante, comme l’Allemagne et les pays d’Europe du nord, où il n’y avait pas une domination première et absolue de l’Église, où les Églises autorisaient l’autonomie et le libre arbitre des individus, la cohabitation de l’État et des Églises est plus facile ; aucun des deux ne domine l’autre et le citoyen est libre de ses choix.

La laïcité est remise en cause en France par des communautés nouvellement arrivées, surtout musulmanes, dont les membres ne sont pas encore émancipés vis-à-vis des règles de leur milieu traditionnel. Jusqu’à récemment, dans leur grande majorité, à la seconde ou troisième génération ils adoptaient individuellement l’autonomie laïque à la française.

Les entreprises, les administrations, les écoles, les universités ont le droit de réglementer l’habillement de leurs agents pour des raisons de sécurité, d’hygiène, de décence, de rapport à la clientèle ou de non affichage des convictions politiques ou religieuses. Il s’agit de vivre non pas côte à côte, mais ensemble et en paix. Certaines entreprises interdisent le port du bermuda, elles devraient pouvoir de la même façon interdire le port du voile lorsqu’il est le signe d’une identité religieuse.

La démocratie française doit rester vigilante. Elle doit lutter notamment contre la formation de communautés fermées, ne pas accepter le communautarisme qui cherche à imposer à ses membres des règles qui transgressent celles du pays d’accueil. Si elle veut éviter que les intolérants n’imposent progressivement leurs lois, notre République doit faire en sorte que la laïcité républicaine s’applique à tous ceux qui résident sur son sol.

Voir : Catholicisme. Conditions nécessaires et suffisantes. Islam en France. Minorités. Religions. Tolérance.

Minorités

Un indicateur du niveau de démocratie

Dis-moi comment tu traites tes minorités, je te dirai à quel niveau de démocratie tu te situes.

Une des vertus fondamentales de la démocratie, sans doute le plus important de ses principes, est le respect des minorités. Il ne s’agit pas seulement de leur laisser la possibilité de se réunir et de s’exprimer, mais, beaucoup plus fondamentalement, de leur laisser la possibilité de devenir majorité et de remplacer la majorité au pouvoir.

Les minorités sont des composantes de la société. Dans toute assemblée élue, les minorités devraient être considérées comme des partenaires avec lesquels il s’agit de trouver des compromis, de construire des compromis démocratiques, et non comme des opposants à museler ou à éliminer.

Dans notre Constitution de la Ve République, comme dans les précédentes, la majorité des 2/3 a le pouvoir de changer les lois constitutionnelles et à la majorité simple de changer les lois électorales et d’arrêter les découpages des circonscriptions ; ceci se fait, bien sûr, au désavantage des minorités dans l’opposition. C’est complètement archaïque. Pour cette raison, les lois organiques devraient être confiées à une Assemblée constituante spécifique, composée de représentants non éligibles dans les autres assemblées et institutions de la République.

En démocratie, toute minorité organisée doit recevoir des moyens de travail et d’expression. Cela se fait au niveau national par le financement des partis politiques au prorata du nombre de voix obtenues aux élections législatives. Mais cela devrait se retrouver au niveau municipal : par exemple, chacun des groupes présents au Conseil municipal devrait avoir des moyens d’expression proportionnels à son nombre d’élus et pas seulement un entrefilet ridicule pour la minorité dans un coin du journal municipal pendant que la majorité s’exprime sur des pages entières.

Pour assurer la stabilité de l’exécutif dans des assemblées élues à la proportionnelle la contrepartie de la reconnaissance des minorités politiques serait l’instauration d’un système de Gouvernement de législature. 

Voir : Constituante. Constitution de la Ve République. Constitution d’une VIe République. Gouvernement de législature. Majorité culturelle. Principes de la démocratie.

Solidarité

Une obligation morale, démocratique et écologique

Dans la trilogie républicaine « Liberté, égalité, fraternité » il me semble que le terme de solidarité est préférable à celui de fraternité. La fraternité est un sentiment qui peut provenir d’une affinité avec une personne dont on se sent proche, tandis que la solidarité est une obligation morale, démocratique et environnementale.

Morale parce que dans une société humaine le but commun doit être dans une même communauté de favoriser l’épanouissement de chaque être vivant. Pour cela le fort ne doit pas dominer ou exploiter le faible, mais au contraire lui apporter son aide.

Démocratique parce que si on doit tendre vers plus d’égalité, l’un des critères fondamentaux du niveau de démocratie, il faut une répartition des richesses et des savoirs. De tous temps des êtres généreux ont pratiqué la charité, une assistance apportée à certains des plus démunis, mais cela ne touchait qu’une faible partie de la population. C’est lorsque l’Etat, expression de la majorité des citoyens, a imposé au moyen de l’impôt ou des cotisations sociales une redistribution des richesses et des revenus en généralisant le SMIC, le minimum vieillesse, le RSA, les allocations familiales, la sécurité sociale, les investissements sociaux et culturels publics ou soutenus par des fonds publics, qu’une véritable solidarité républicaine a été instituée.

La pratique de la solidarité peut être initiée dès l’école primaire ou tout au long des études par la constitution de groupes de 4 à 6 élèves révisant ensemble leurs leçons, répétant ensemble des exercices faits en classe ou préparant des exposés oraux ou des dossiers. Plus tard au sein d’une entreprise le statut de coopérative crée une grande solidarité entre les travailleurs. Et à l’échelon d’un service ou d’une équipe de production on a constaté que l’auto-organisation de tous, sans chef, donnait de très bons résultats sur les plans de la qualité, de la productivité et de la satisfaction au travail.

La solidarité la plus aboutie est celle qui prend la forme de véritables jumelages entre individus, familles, associations, villes ou villages, territoires, Etats. Il ne s’agit plus seulement d’aides matérielles ou d’apports de techniques ponctuels, mais de véritables échanges sociaux et culturels permanents. Toute famille aisée, toute ville, toute région de pays riche ne devrait-elle pas entretenir un jumelage actif, vivant, avec une famille, une ville, une région d’un pays en développement, mais aussi dans son propre pays où existent malgré la richesse moyenne de grandes zones de pauvreté ? Solidarité entre les riches et les pauvres et entre les générations d’une même famille ou d’un même groupe.

Enfin, face à l’état critique dans lequel se trouve notre planète terre, face au réchauffement climatique et aux pollutions de toutes sortes, les êtres humains sont maintenant forcés d’être solidaires. La croissance matérielle, qui repose sur des consommations de ressources limitées, sur des émissions de gaz à effets de serre et sur des pollutions gigantesques des océans et des nappes phréatiques, doit être stoppée. Pour améliorer la vie du tiers de l’humanité défavorisé, on ne peut plus se contenter de répartir une part du surplus de la croissance matérielle, on doit en premier lieu stopper les gaspillages et les consommations inutiles publiques ou privées, mais aussi par des mesures fiscales et règlementaires fermes et rigoureuses opérer une redistribution des richesses existantes.

Voir : Besoins fondamentaux. Enseignement. Entreprise privée. GaspillagesÉgalité de droits. Principes de la démocratie.

 Liberté

Nécessité et limites de la liberté en démocratie

Les libertés de l’individu, du citoyen, sont l’un des droits fondamentaux reconnus par la démocratie. Plus les citoyens auront de libertés, plus le régime sera démocratique.

Pour autant il ne s’agit pas d’une liberté totale et sans mesure. Toute liberté a des limites, qu’il s’agisse de la liberté de s’exprimer, de circuler, de résider, de travailler, de s’associer, de voter. En premier lieu, nos libertés individuelles se heurtent à celles des autres ; nous ne devons pas nuire à autrui et nous devons respecter les mœurs en usage, même si celles-ci évoluent dans le temps. Ensuite des limites physiques et financières, des limites d’espace et de temps nous empêchent de réaliser tout ce que nous souhaiterions.

Notre liberté se résume alors à pouvoir faire à certains moments des choix de vie, immédiats ou à plus long terme, des choix de lieu de résidence, de partenaire, d’amis, de formation, de travail, mais dans des cadres donnés. En démocratie, ce qui est important, c’est que nos choix ne soient pas limités par le pouvoir politique ou économique de quelques-uns, par une minorité dirigeante et en faveur de cette minorité. Plus les choix, non pas des plus forts, mais du plus grand nombre de citoyens et des plus défavorisés seront larges, meilleur sera le niveau de démocratie.

Voir : Associations loi 1901. Droits fondamentaux. Médias, presse écrite, Internet. Principes de la démocratie.  

Libéralisme

Un concept variable

Le libéralisme est un terme difficile.

En économie, ce que la gauche et les partisans du progrès social condamnent ce n’est pas la liberté d’entreprendre ou de circuler, qui sont nécessaires pour la production et l’échange de biens et de services. Ce qu’ils condamnent, ce sont les excès d’un libéralisme prôné par la droite, qui refuse de limiter la domination des plus forts, les enrichissements injustifiables et qui, au contraire, veut limiter le rôle de régulation et de répartition de la puissance publique.

Dans la vie intellectuelle et artistique c’est le contraire, les libéraux sont à gauche et s’opposent aux conservateurs. Ils veulent autoriser une pleine liberté d’expression et d’échange entre les citoyens, d’un pays à l’autre et d’une culture à l’autre.

Le libéralisme est donc plutôt une valeur de droite en économie et plutôt une valeur de gauche dans le domaine culturel. En démocratie, ce qui varie et qui est discuté en chacun de ces domaines, c’est le niveau et le caractère des limites que l’État doit imposer à la liberté des plus forts.

Voir : Droite, gauche, écologistes. Droits fondamentaux. Liberté. Mots fourre-tout.

Pragmatisme et idéologies

Un va-et-vient nécessaire

Pour les pragmatiques, la théorie doit être en relation avec l’action et s’appuyer sur le réel ; on doit considérer comme vrai ce qui fonctionne réellement, ce qui est vérifié par l’expérience. Mais pour juger de ce qui fonctionne, il y a à l’origine une idéologie, c’est-à-dire des principes que l’on considère comme des vérités premières, sans pouvoir les démontrer.

À droite les prémices de la pensée politique sont qu’il faut favoriser les plus riches et les plus forts ; le monde leur appartient, ils entraînent le développement général et les plus faibles en bénéficieront. À gauche au contraire, on considère qu’il faut travailler pour le plus grand nombre et apporter une aide particulière aux plus faibles. En pratique les choses sont moins claires : certaines personnes qui se disent de droite ont parfois des réactions sociales qui les placent plus à gauche que des personnes qui se réclament de la gauche ; inversement bien des militants et des responsables de partis dits de gauche soutiennent des mesures qui sont plus de droite que de gauche. Mais, d’une façon générale on retrouve cette distinction fondamentale entre la droite et la gauche. Voir à ce sujet le chapitre « Droite, gauche, écologistes ».

Si on ne dépasse pas l’idéologie sur laquelle on s’appuie, c’est l’enfermement, on en arrive à changer l’interprétation de la réalité ; on ne retient des événements que ce qui confirme ses propres croyances. On aboutit même à un esprit de système. Par exemple, pour la droite tout service public est mauvais en soi ; contre tout bon sens et contre tout ce que montre l’expérience, on veut tout privatiser ouvertement ou indirectement : enseignement, hôpitaux, transports, distribution de l’eau, de l’électricité, etc.

Pour coller à la réalité, tout en poursuivant les buts premiers que l’on s’est fixé, on est forcé de se fixer des objectifs intermédiaires, de pratiquer un va-et-vient entre l’idéologie et le pragmatisme, entre les objectifs et l’expérience de terrain. Nous ne devons cependant pas confondre le pragmatisme avec l’opportunisme. Partis de principes et de convictions fortement affirmés lorsqu’ils sont dans l’opposition, une fois au pouvoir nombre de leaders politiques de droite ou de gauche se contredisent pour satisfaire des groupes de pressions.

La droite accuse facilement la gauche de faire preuve d’idéologie, mais en fait elle projette sur la gauche son propre comportement. J’ai beaucoup plus souvent vu à droite qu’à gauche des responsables politiques prendre des positions a priori, idéologiques, correspondant à leurs convictions personnelles, et être incapables de prendre en compte des données incontestables.

Par contre, chez beaucoup de leaders politiques français, à gauche plus qu’à droite, la théorie prend le pas sur le pragmatisme. Au nom d’une cohérence théorique, leurs programmes, à vouloir traiter de tout dans un cadre homogène, s’écartent de la réalité. La vie réelle est faite de différences ; il vaut mieux admettre l’existence d’un certain nombre d’incohérences qui dans la vie réelle ne sont pas forcément incompatibles.

Voir : Principes de la démocratie. Droite, gauche, écologistes. Groupes d’Action Locaux. Petits pas. Privatisation des services publics. Courants et programmes des partis politiques. Services publics.

Progrès

Innovations, changements ou progrès humains ?

Le mot de progrès, comme ceux de réforme ou de croissance, fait partie de ces mots fourre-tout qui, employés seuls, sans qualificatifs pour en préciser le sens, permettent aux discours politiques et média- tiques de donner une tonalité positive à n’importe quoi.

On a pris l’habitude d’appeler progrès toute innovation. Or, si un grand nombre d’innovations techniques, par exemple, sont bénéfiques pour l’humanité, d’autres ne le sont pas. C’est évident pour tout ce qui sert à faire la guerre : bombardiers, armes nucléaires, armes chimiques, mines antipersonnelles, etc. Mais c’est vrai aussi pour des gains de productivité qui réduisent une partie de la main-d’œuvre au chômage ou pour des techniques qui détruisent immédiatement ou à terme notre environnement.

Un progrès pour les scientifiques c’est ce qui est nouveau. Pour les gens de droite c’est ce qui leur apporte personnellement plus de richesse et de confort. Aux yeux des gens de gauche, ce devrait être les innovations techniques et sociales qui apportent une amélioration au sort du plus grand nombre d’êtres humains, on peut même dire au sort des plus défavorisés. Pour les écologistes c’est ce qui améliore la qualité de vie de tous tout en préservant la vie des générations futures.

Certaines innovations peuvent avoir au début des effets bénéfiques. Mais lorsque pour rechercher un profit maximum on développe leur utilisation au-delà de certains seuils, leurs effets deviennent socialement négatifs. C’est le cas pour le toujours plus, toujours plus vite et toujours moins coûteux dans les transports (voir le chapitre « Seuils limites »), pour l’utilisation des engrais chimiques et des pesticides dans l’agro-alimentaire, pour la surconsommation de médicaments. On pourrait citer bien d’autres exemples.

On sait produire des voitures qui peuvent rouler à 250 km/ heure, mais on a fini par limiter la vitesse sur les autoroutes à 130 km/ heure pour diminuer le nombre d’accidents. Et on sait qu’en roulant à 80 km/heure, les automobiles consomment beaucoup moins d’énergie et provoquent beaucoup moins de pollutions et d’accidents.

Dans tous les domaines, il revient à la représentation nationale, aux pouvoirs publics de poser des limites qui s’appliquent à tous, afin d’éviter que des innovations techniques ou législatives ne soient des sources de contre progrès pour les usagers et pour le futur de l’humanité.

Le nom de progrès devrait être réservé à des innovations qui apportent une amélioration de bien-être à l’ensemble de la population et surtout aux plus déshérités, tout en préservant la planète que nous laisserons à nos descendants.

Voir : Croissance. Décroissance matérielle. Indices de bien-être ou indices financiers. Mots fourre-tout. Profit maximum ou juste bénéfice ? Seuils limites. Vitesse.

Radicalisme

Pour des mesures radicales

Le mot radical, dans l’histoire de la politique française, a été dévoyé. Le parti radical socialiste réunissait surtout des centristes qui pratiquaient le plus souvent une politique opportuniste. Elle pouvait être sociale, mais n’avait rien de radical et était bien peu socialiste.

Pourtant le radicalisme est une notion importante en politique. Une mesure radicale est une mesure qui change profondément l’état de choses existant par une adaptation des règles juridiques aux besoins présents de la société. C’est ainsi que la limitation du nombre d’heures de travail en passant de 60 heures non pas à 58 heures, mais à 40 heures a profondément changé le rapport au travail et limité le pouvoir des chefs et des possesseurs d’entreprises. Le passage à 39 heures, puis à 35 heures n’a pas changé profondément les modes de travail ; pour obtenir que l’on tienne compte à la fois des gains de productivité et de la nécessité de répartir le travail devenu un bien rare, il aurait sans doute fallu passer à 32 heures et progressivement à 20 ou 25 heures, c’est à dire à un travail à mi-temps avec moins de consomations matérielles, mais une meilleure qualité de vie. Cela aurait été une mesure radicale et donc efficace.

L’instruction obligatoire gratuite, les congés payés, la sécurité sociale, le salaire minimum, le minimum vieillesse, sans oublier les investissements en écoles, hôpitaux, maisons de retraite, transports ont été des mesures radicales qui ont profondément changé la situation sociale, culturelle et économique de notre pays.

Un grand nombre de réformes ne sont valables que si elles instaurent des changements radicaux et, là encore, pour ne pas employer le mot radical comme un mot fourre-tout, à condition seulement qu’elles correspondent à une évolution de la majorité des mentalités, qu’elles permettent de dépasser des seuils irréversibles et qu’elles apportent plus de simplicité que de complexité.

Voir : Majorité culturelle. Mots fourre-tout. Réformes. Seuils limites.