Propositions pour une VI° République démocratique, sociale et écologique


François LALANDE

Vers la démocratie

La France est-elle un pays véritablement démocratique ? Lorsqu’on voit les inégalités entre riches et pauvres, la prépondérance des classes dirigeantes, le trop de pouvoir personnel du Président de la République, la mainmise des clans de droite ou de gauche sur l’appareil politique, les dysfonctionnements de la justice, le conservatisme social du système d’enseignement, on peut en douter.

Alexis de Tocqueville a écrit un ouvrage remarquable sur la démocratie en Amérique après avoir passé un peu moins d’un an aux États-Unis. J’ai pensé qu’ayant pour ma part non seulement observé le fonctionnement de la démocratie en France, mais participé à son fonctionnement pendant plus de soixante ans, je pouvais faire part de mes constatations et des propositions qui suivent sur la démocratie en France.

La démocratie, un objectif et une méthode

Le principe premier de la démocratie est que tous les êtres humains sont égaux en droit, c’est-à-dire que chaque être humain a droit au respect de sa personnalité et au respect de ses droits fondamentaux. La démocratie est alors à la fois un objectif : donner à chacun les moyens de mener une vie aussi libre que la vie en communauté le lui permet, en particulier aux plus défavorisés puisque tous les hommes sont égaux ; et une méthode : organiser la participation de chacun à la vie et à la décision collective, non seulement dans les institutions politiques au sens classique du terme, le législatif et l’exécutif, mais aussi au sein des autres pouvoirs, le pouvoir judiciaire et ceux d’information, d’éducation, de recherche, d’économie et de finances. C’est ce que devrait expérimenter et instituer une VI° République.

La thèse défendue dans ce livre, au travers des différents thèmes traités, développe l’idée suivant laquelle la démocratie est une valeur relative. Un pays est plus ou moins démocratique. La France est à ce titre un exemple intéressant et curieux, puisqu’elle est à la fois le pays des droits de l’homme, du moins dans les discours, un pays de grandes libertés individuelles et, en même temps, un pays profondément élitiste et inégalitaire.

La France reste un pays de tradition monarchique et centralisée. Cette tradition imprègne la culture de ses habitants, alors que cette culture n’est plus compatible avec la complexité du monde moderne et encore moins avec le désir d’émancipation et d’autonomie des hommes et des femmes du XXIe siècle. D’où des gaspillages, des dysfonctionnements, des insatisfactions et des inégalités grandissantes.

Complémentarité du public et du privé

Par contre, notre pays a une force remarquable, la mixité sous l’angle de l’économie, de la protection sociale et des mélanges ethniques. La France a poussé au plus haut point la complémentarité entre services publics et services privés, entre entreprises publiques, entreprises d’économie mixte et entreprises privées, entre un système de protection sociale publique appliqué à tous et des systèmes d’assurances et de retraites privés.

Quant à la population, la France a mené une politique systématique d’intégration, principalement par l’école primaire ; les ethnies d’origines différentes s’y mélangent et, même si l’intégration des nouveaux arrivants se fait plus difficilement, nous n’avons pas encore accepté le système communautaire cloisonné que connaissent d’autres pays et certaines de nos banlieues.

Pour s’élever à des niveaux satisfaisants de démocratie, des règles de fonctionnement démocratiques sont nécessaires. Elles ne sont pas suffisantes à elles seules, mais elles sont indispensables. Les meilleures règles peuvent être détournées si elles ne sont pas mises en œuvre par des démocrates convaincus. Mais inversement, sans de bonnes institutions et de bonnes règles de fonctionnement, une bonne gouvernance et les meilleures intentions restent vaines.

Une république plus démocratique

Comment moderniser les institutions, au sens large, c’est-à-dire les institutions politiques et les institutions civiles, pour faire de la France, insérée dans une Europe libérale et une mondialisation capitaliste ultralibérale, une République moderne ? C’est là toute la difficulté. Il y faut d’abord des prises de conscience et des changements de mentalité. Mais encore faut-il savoir vers quels types de règles collectives et vers quel niveau de démocratie nous voulons nous diriger.

La question est d’autant plus difficile qu’une volonté politique ne peut s’appliquer que dans une zone géographique, un champ politique, où existe un pouvoir politique capable d’édicter des règles générales et de prendre des mesures coercitives pour les imposer, c’est-à-dire à l’intérieur de ce qui était auparavant un pays avec des frontières. La mondialisation, le libéralisme ambiant et l’Europe réduite à n’être qu’un grand marché libre sans réel pouvoir politique semblent s’y opposer.

À moins de baisser les bras et de s’abandonner au fatalisme, on doit essayer de trouver des remèdes et des solutions. À partir d’une analyse de l’état de la démocratie en France et d’exemples simples et concrets tirés de mes expériences de la vie sociale, professionnelle et politique, j’avance ici des propositions pour des règles de fonctionnement plus efficaces et plus en accord avec l’idéal républicain. La France pourrait être, en créant une VI° République, le modèle d’une République moderne, démocratique, sociale et écologique.

Pour atteindre un niveau honorable de démocratie, il nous faut améliorer nos institutions politiques et privées dans le sens d’une plus grande participation des citoyens et non d’une présidentialisation monarchique. Il nous faut aussi développer en chacun une culture de la démocratie que nous n’avons guère, malgré des discours brillants sur la République et la démocratie.

Une approche pragmatique

Cet ouvrage s’adresse aux militants associatifs et politiques et aux citoyens soucieux d’approfondir leur réflexion sur la démocratie et d’agir en politique. Il n’a rien d’un ouvrage universitaire classique qui se voudrait exhaustif et reposerait sur une compilation de tous les grands auteurs politiques, sociologues et philosophes, depuis les penseurs grecs jusqu’aux écrivains modernes. Je n’ai pas voulu multiplier les citations et les références, comme cela se fait d’ordinaire, mais je veux rendre ici hommage à Montesquieu, à Alexis de Tocqueville et à Pierre Mendès France dont les écrits sur le sujet restent à mes yeux parmi les plus pertinents.

J’ai essayé de me référer davantage à mes expériences vécues ou à des expériences rapportées par d’autres, qu’à des théories, aussi brillantes et savantes soient-elles. C’est avec intérêt que je reçois remarques et critiques et je m’engage à en tenir le plus grand compte dans des éditions ultérieures.

François Lalande.


Nota: J’ai évité dans cet essai d’employer des termes abscons ou généraux qui parsèment en général ce type d’ouvrage tels que paradigme, anthropologique, doxa, holistique, acronyme, etc.