Propositions pour une VI° République démocratique, sociale et écologique


François LALANDE

Vers la démocratie

France, le beau pays

Terre d’accueil et de mixité

La France a toujours été un pays favorisé. Ses paysages sont variés et très beaux entre mer et montagne, plaines et vallons, villes et campagnes. Un Américain me disait : la différence entre la France et les États-Unis, c’est la variété géographique et le fait qu’en 100 ou 200 km en France on change de paysage, alors qu’aux États-Unis le même paysage, souvent de mornes plaines, peut durer plus de mille kilomètres.

La France bénéficie de l’un des climats les plus modérés de la planète, d’où son extraordinaire richesse agricole et forestière. Avant l’invention de l’agriculture industrielle et de l’irrigation, avant le développement de l’industrie du charbon et de l’acier, ses voisins du Sud, l’Espagne et l’Italie, avaient des climats trop chauds et trop secs, ses voisins du Nord, l’Angleterre et l’Allemagne des climats trop froids et humides.

À l’époque de Louis XIV la population de la France représentait avec 20 millions d’habitants la moitié de celle de l’Europe de l’ouest, dans un pays déjà centralisé, alors que ses voisins étaient pauvres et peu peuplés. Versailles et les châteaux de la Loire témoignaient de cette richesse. Les Allemands disent encore : « Heureux comme Dieu en France ».

Au XXe siècle, la France a développé un système d’économie mixte, qui repose à la fois sur l’entreprise privée, le commerce, l’artisanat et sur des services publics importants. Ces services publics apportent à l’ensemble de la population un système de protection et d’équipements publics très complet : règles encadrant les conditions de travail, repos hebdomadaire et congés payés, sécurité sociale, réseau de santé public accessible à tous, retraites, logements sociaux, enseignement gratuit, réseau de routes et de trains performants, etc.

Contrairement à ses voisins Espagne, Italie, Allemagne, Angleterre, Irlande, qui étaient des pays d’émigration, la France a été une terre d’immigration, populations venues du Sud et de l’Est de l’Europe, du Maghreb, du Moyen Orient, d’Afrique. Elle a su, principalement au moyen de l’école primaire, puis du collège, mener une politique d’intégration. À la 2e ou 3e génération, jusqu’à une époque récente, les résidents issus de l’immigration se sentaient français et adoptaient la culture française.

La France est une terre d’accueil. Par ses paysages, son climat, sa gastronomie, la richesse de son patrimoine architectural et culturel, elle est la première destination touristique du monde. Mais elle est aussi un pays d’accueil recherché par les entreprises étrangères. Elles y trouvent, en plus de ses qualités géographiques et culturelles des infrastructures de transports, de formation et de recherche, une protection sociale et médicale, un ensemble de services publics appréciés de leurs personnels et de leurs cadres.

Intégration des nouveaux arrivants, économie mixte privée et publique, services et infrastructures publiques, sont les meilleurs remparts contre les dangers de la mondialisation néo-libérale. Quel dommage de voir toutes les destructions faites en ces domaines par les équipes de droite néo-libérale au pouvoir avec Nicolas Sarkozy,  les sociaux-démocrates de François Hollande et le libéralisme capitalistique d’Emmanuel Macron. Depuis le début du 21ème siècle, ces politiques libérales des présidents successifs ne font qu’empirer. Espérons que les destructions sociales et environnementales ne soient pas irréparables.

Voir : Culture monarchique. Une économie mi-publique mi-privée. Entreprise privée. Immigration. Services publics. Social-démocratie.

Intelligence et jugement  juste

Des approches différentes mais complémentaires

Il y a différentes sortes d’intelligences, c’est-à-dire de formes d’aptitudes à comprendre ou à interpréter les problèmes concrets posés par le monde qui nous entoure.

La forme d’intelligence la plus mise en valeur par notre système d’enseignement et ensuite par nos élites, ou plutôt par les privilégiés qui ont su ou pu profiter du système, est l’intelligence combinatoire. Elle est utilisée dans les sciences dites exactes, mais aussi de plus en plus dans les sciences ou disciplines humaines. On part de données quantifiables et on les combine suivant des règles fixes. C’est la forme d’intelligence qui est primée par les études secondaires et supérieures à la française, à côté de la mémoire et de la capacité physique à fournir un travail intellectuel sédentaire intense.

Différente, il y a l’intelligence sensible. C’est celle du peintre et du musicien. Elle est indispensable aussi dans les sciences humaines, lorsqu’il faut évaluer des rapports humains et des situations sociales complexes et nuancés. Si l’enseignement supérieur doit former des dirigeants, ceux-ci auront essentiellement à gérer des problèmes humains et à porter des jugements sur des données non quantifiables. C’est pourquoi il serait nécessaire que l’on enseigne à tous, et pas seulement aux littéraires, autant l’histoire, la sociologie, la philosophie, la littérature que les sciences exactes.

J’ajouterai une troisième sorte d’intelligence, l’intelligence synthétisante. Si on nous montre séparément un nez, deux oreilles, deux yeux, une bouche, un front, nous ne saurons pas à quoi ressemble ce visage. Nous avons besoin d’avoir une vision globale et synthétique des situations les plus complexes, même s’il est nécessaire dans un premier temps de ramener des ensembles complexes à des sous- ensembles immédiatement saisissables.

À côté de ces formes d’intelligence, il y a le jugement juste. De même qu’en musique certaines personnes ont l’oreille juste, dans la vie sociale, en économie, et surtout en politique où cela devrait être indispensable, certaines personnes ont le jugement juste. Le chef d’orchestre qui a devant lui 120 musiciens décide à chaque instant si le résultat est juste et bon. Pour qu’il en soit capable, il lui faut un don inné, beaucoup de travail de préparation, d’entraînement, d’analyses préalables. Il en est de même pour le responsable politique ou le chef d’entreprise.

En politique, certaines limites sont quantifiables, mais dans la plupart des cas, pour bien gérer la vie collective, il faut faire appel à l’intelligence sensible, à l’intelligence de synthèse et, si possible, au jugement juste. C’est lui qui traduit le mieux la réalité concrète.

Voir : Décideur. École primaire. Grandes écoles et syndrome de l’ingénieur. Sciences humaines et démocratie. Pensée binaire.

Enseignement

Outils, culture, solidarité

L’enseignement devrait remplir les objectifs suivants :

- enseigner les savoirs fondamentaux, les outils nécessaires pour vivre et travailler : savoir lire couramment et s’exprimer oralement, rédiger un texte simple, compter, calculer, passer le permis de conduire, pouvoir utiliser un ordinateur, connaître l’anglais de base.

- apporter une culture générale, un appétit de connaissances.

- former à un esprit critique, apprendre à juger par soi-même, mais en sachant se documenter et consulter des personnes et des ouvrages de référence.

- développer un esprit de solidarité plutôt que de compétition, l’aptitude au travail en équipe et en réseau1.

Quatre  parties  sont  concernées : les  élèves,  les  enseignants, les parents, le pouvoir politique responsable de tout ce qui est commun.

Comme tout pouvoir, le pouvoir de l’Éducation nationale doit être indépendant, mais sans être laissé au seul pouvoir des enseignants, sinon le risque est grand, comme pour les autres pouvoirs publics ou privés, de tomber dans le corporatisme. Le pouvoir politique doit donc fixer par des lois générales les buts, le cadre de fonctionnement et les moyens de l’éducation nationale, et enfin organiser cette gestion quadripartite. Mais cela peut se faire au niveau des régions comme c’est le cas dans beaucoup de pays modernes. Le mythe de l’uniformité dans l’éducation nationale est un frein aux initiatives pédagogiques et n’a rien d’indispensable pour l’unité nationale.

Des moyens humains et matériels en nombre et en quantité suffisants sont une condition nécessaire pour un bon système d’éducation : locaux, outils d’enseignement et de travail, enseignants, personnels auxiliaires. Il est inefficace de voir des classes de 30 à 35 élèves, alors qu’on sait que l’effectif optimum pour avoir une classe vivante et suivre correctement chaque élève est autour de 16 élèves et même moins pour certains groupes de travail. Quant aux personnels auxiliaires, surveillants, infirmières, assistantes sociales, chargés d’entretien, il est impensable en ce domaine de voir, par exemple, des établissements de 1 200 élèves et plus ne disposer à un même moment que de 1 ou 2 surveillants.

Les élèves dans leur ensemble, et pas seulement un ou deux délégués par classe, doivent participer, avec leurs parents sur certains points, à la définition de leurs objectifs de travail et des méthodes pour y parvenir. La décision reste aux enseignants, mais en débat participatif avec les élèves et leurs parents. Tous doivent être informés et pouvoir donner leur avis, comme dans toute entreprise humaine. Il s’agit de préparer les jeunes à une vie professionnelle et sociale fondée sur la solidarité, les complémentarités et la démocratie.

Les programmes imposés en France aux élèves sont en général démentiels et prétentieux. Ils aboutissent à des résultats qui sont parmi les moins bons d’Europe. Ces programmes ne distinguent pas assez ce qu’il est indispensable de savoir et de connaître par cœur de ce qui doit seulement être connu, dont on doit avoir entendu parler. Il m’est arrivé de me pencher sur le livre de mathématiques d’une classe de 3e. J’ai fait l’expérience de cocher dans la marge ce qui devait absolument être su pour la suite des études. Cela ne représentait que quelques heures d’enseignement et d’applications et aurait pu être enseigné en quelques semaines.

La définition des programmes ne devrait pas être laissée au corporatisme de chaque discipline, mais confiée à un comité comprenant des enseignants, des chercheurs, des représentants des parents et des élèves.

Enfin certains élèves perdent leur temps et se démotivent en classe à attendre les plus faibles ; d’autres, beaucoup plus nombreux, ont des retards et des difficultés. La solution ne se trouve-t-elle pas dans l’organisation de groupes de niveau pour les matières techniques : mathématiques, informatique, expression écrite et orale, anglais, où les meilleurs peuvent avancer plus vite et où les plus lents ont besoin d’une aide supplémentaire de la part des professeurs ? Par contre, les matières d’éveil et de culture générale, littérature, histoire, géographie, économie, sciences de la vie, éducation physique, peuvent rassembler des élèves de niveaux différents et nombreux.

Dans un esprit de solidarité, les élèves les plus doués et les plus en avance devraient par un système d’équipes ou de tutorat apprendre à aider les plus faibles.

1.  En Australie un devoir reçoit d’abord une note pour le travail personnel effectué. Cette note compte pour 30 ou 40% de la note finale. Puis le devoir est retravaillé dans un petit groupe et il reçoit alors une deuxième note qui compte pour 70 à 60% de la note finale.

Voir : Compétition ou solidarité. Conditions nécessaires et suffisantes. Démocratie participative. École primaire. Expériences sociales et culturelles. Grandes écoles et syndrome de l’ingénieur.

École primaire

École, éducation, apprentissages de base

L’école primaire est l’un des fondements d’un régime démocratique, par la lecture, l’écriture, la prise de conscience de l’appartenance à une organisation sociale. Elle est la base de la formation du futur citoyen à la démocratie, c’est-à-dire la capacité de chacun à vivre et à penser par lui-même. C’est pourquoi je me permets d’insister sur des objectifs, des méthodes et des moyens qui me paraissent simples, mais essentiels, loin des grandes théories pédagogiques.

Une école démocratique est une école qui bénéficie à l’ensemble de la population, y compris aux plus faibles, et qui assure à tous l’acquisition des outils élémentaires qui leur permettront de vivre en société, de travailler et de se perfectionner s’ils en ont la volonté. Il s’agit des outils de base qui permettront d’accéder au savoir et de vivre en société : lecture, écriture, expression orale, vocabulaire essentiel, grammaire, compter, calculer, auxquels il faut ajouter le savoir vivre et travailler ensemble. 

Il est incroyable qu’après 5 années d’école primaire à raison de 6 heures d’école par jour environ 50 % des enfants ne sachent pas lire couramment à l’entrée en 6ème et 25 % pas suffisamment pour pouvoir comprendre correctement un texte1. A la sortie du collège, en fin de 3ème, 20 % des élèves ne savent encore ni lire, ni compter couramment. Après 9 années d’études, ces jeunes ne lisent encore pas suffisamment bien pour comprendre le sens d’un texte.

J’ai connu des enfants intelligents ayant la chance d’avoir un bon niveau de vocabulaire grâce à leur milieu familial, qui arrivaient en 6ème sans savoir lire ni compter couramment. En quelques semaines, à raison de 20 minutes par jour, par une méthode syllabique, ils apprenaient à lire correctement. Le plus difficile et le plus long, pour les enfants issus de milieux défavorisés ou issus de l’immigration, est l’élargissement du vocabulaire. Cela peut se faire de façon attractive à condition que ce ne soit pas considéré comme acquis, que l’on procède de façon méthodique et vivante et que l’on s’appuie sur le langage connu.

Une forte proportion d’enfants arrivent à l’école gavés de télé et de jeux vidéos avec une faible capacité d’attention. Dès la maternelle des pédagogies positives fondées sur le jeu et la curiosité spontanée permettent d’améliorer les connaissances et les processus intellectuels

L’orthographe devrait être accessible à tous et, pour cela, dépouillée des irrégularités inutiles et des incongruités qui l’encombrent. Elle s’apprendrait alors facilement, à condition de l’apprendre de façon réfléchie et systématique, sans demander à l’enfant de réciter ce qu’il n’a ni appris, ni compris. En une année, à raison de deux ou trois dictées par semaine préparées à l’avance avec le maître, la plupart des enfants acquièrent une orthographe correcte.

L’apprentissage du calcul doit faire bien comprendre et utiliser le système décimal. L’enfant doit arriver à maîtriser, en comprenant leur fonctionnement, les tables de multiplication et les quatre opérations : addition, soustraction, multiplication, division, auxquelles j’ajouterai la règle de trois et les pourcentages très utiles dans la vie courante. En cinq ans d’école primaire, on devrait y arriver…

L’école, pour être une institution démocratique, c’est-à-dire s’adresser à tous et pas seulement aux plus favorisés, doit non seulement utiliser des méthodes simples et justes, comme le montrent les quelques exemples ci-dessus, mais disposer des moyens nécessaires. Ces moyens sont de trois ordres : des locaux propres et agréables ; des instituteurs et professeurs en nombre suffisant, permettant le dédoublement des classes pour certaines activités ; des maîtres formés à des méthodes pédagogiques de bon sens. Ce qui n’est pas toujours le cas lorsqu’on voit le jargon et les théories qui étaient diffusés dans les IUFM.

Disposer d’effectifs suffisants d’enseignants et d’auxiliaires, de surveillants, de personnel infirmier, de psychologues scolaires est un élément fondamental. Quels que soient la formation et le niveau de formation concernés, on constate que le nombre optimum d’élèves  par classe est de 14 à 16 élèves. Il est très judicieux que les classes de CP où l’on apprend à lire aient été réduites à 12 élèves, ou qu’il y ait deux maîtres pour 24 élèves, mais encore faut-il que ce ne soit pas au détriment des classes suivantes qui passent à 30 élèves et plus parce qu’on manque de professeurs. Il serait préférable de diminuer le nombre d’heures d’apprentissage, d’alléger les programmes et de faire cours à des classes moins nombreuses.

Les enseignements de base, lecture, grammaire, écriture, calcul doivent aboutir, en groupes de niveaux, à l’acquisition d’automatismes, compris intelligemment, mais sus par cœur. Un système de tutorat devrait permettre aux élèves les meilleurs d’aider les moins bons. L’important est que pas un seul élève ne soit laissé en chemin. Ces outils de base sont indispensables pour pouvoir acquérir le fameux socle commun en français, anglais, mathématiques, sciences exactes, sciences humaines, communication, autonomie, que tout élève devrait posséder en fin d’études. Ils demandent à être travaillés en petits groupes.

Par contre, les activités d’éveil, de connaissance de la ville, de la nature, de la géographie et de l’histoire, de culture générale, de sport, d’instruction civique, d’hygiène, de réflexion collective sur les phénomènes de groupe et de société, l’apprentissage du débat démocratique peuvent avoir lieu avec des effectifs beaucoup plus nombreux et de niveaux variés.

1.  À la sortie du collège, en fin de 3ème, 20 % des élèves ne savent encore ni lire, ni compter couramment. Après 9 années d’études, ces jeunes ne lisent encore pas suffisamment bien pour comprendre le sens d’un texte.

Voir : Conditions nécessaires et suffisantes. Enseignement. Expériences sociales et culturelles. Grandes écoles et syndrome de l’ingénieur. Orthographe.

Orthographe

Par là aussi on peut améliorer le niveau de démocratie

L’orthographe académique est l’une des institutions françaises les plus anti-démocratiques et les plus archaïques qui soient.

Elle impose des irrégularités qui n’ont aucun sens : jeûner, mais déjeuner sans accent ; patronner, mais patronage avec un seul n ; espace, mais adjectif spatial avec un t ; le fond mais un fonds avec un s, alors que bien des synonymes ont un sens différent tout en s’écrivant pareil ; le mot orthographe pourrait sans inconvénient perdre son h après le t. Les exemples de ces absurdités sont légion. Quant au participe passé qui s’accorde avec le complément d’objet direct seulement si celui-ci est placé avant le verbe, c’est absolument inutile.

En France, à chaque fois que l’on parle de réformer l’orthographe, les grands esprits, les penseurs binaires, hurlent que l’on veut défigurer notre langue ; ils prétendent que l’on veut faire écrire le français comme les SMS des jeunes en écriture purement phonétique. Il ne s’agit pas de cela. Il est certain qu’il ne faudrait pas modifier ce qui pourrait changer la sonorité d’un mot ou son sens. Mais toutes les fois où cela ne serait pas le cas, des simplifications ou des régularisations seraient bien utiles. La réforme de 1990 allait dans le bon sens, mais elle était beaucoup trop timide pour simplifier l’acquisition d’une orthographe correcte par les enfants ou par les étrangers.

On a fait remarquer que l’allemand, l’italien et l’espagnol étaient des langues presque intégralement écrites phonétiquement et que cela ne les empêchait pas d’avoir une littérature, des écrits philosophiques ou politiques d’une grande richesse et d’une grande subtilité. En français le son « or » peut s’écrire : or, bord, porc, port, hors, aurore, etc. Dans d’autres langues il s’écrirait d’une seule manière. Oralement il se prononce d’une seule façon et par le contexte on sait très bien distinguer ses différentes significations ; il en serait de même à l’écrit.

Les complications de l’orthographe française renforcent les inégalités entre les enfants des parents qui ont fait des études et les autres. En outre, l’acquisition de l’orthographe absorbe un temps et des efforts qui feraient mieux d’être consacrés à l’enrichissement du vocabulaire, à l’étude de l’analyse grammaticale et de l’analyse logique, outils d’une bonne compréhension des discours et des textes ou d’une bonne communication.

Pour améliorer le niveau démocratique de notre pays, il faut que chaque citoyen sache s’exprimer oralement, lire et écrire correctement un texte simple. Cela n’a rien d’impossible, d’autres pays d’Europe ont en ce domaine des résultats bien supérieurs aux nôtres.

Voir : École primaire. Pensée binaire.

Grandes écoles et syndrome de l’ingénieur

Un anachronisme français

Thiers, l’historien devenu le premier Président de la IIIe République en 1871, aurait dit : « Si nous avons perdu la guerre de 1870 contre l’Allemagne, c’est à cause de la centralisation et des grandes écoles ». Les grandes écoles, telles l’Ecole polytechnique, l’Ecole Nationale d’Administration, l’école des Hautes Études Commerciales sont une des maladies de la démocratie française dévoyée en oligarchie.

Première erreur, ces écoles recrutent de jeunes étudiants sans aucune expérience professionnelle préalable. Elles ne peuvent alors être que théoriques ou abstraites, les études de cas et les stages ne suffisant pas à compenser le manque d’expérience professionnelle et de maturité humaine. On connaît la boutade : un polytechnicien ou un énarque, c’est quelqu’un qui sait tout, mais rien d’autre.

Deuxième erreur, la très grande majorité des jeunes qui préparent ces écoles sont obligés de forcer leur talent et d’effectuer un travail abrutissant. Au lieu d’apprendre à réfléchir, à analyser, à créer, ils apprennent principalement à reproduire. D’où une grande part du conservatisme culturel des dirigeants français.

Troisième erreur, un esprit et un système de corps se crée, où l’on se soutient et s’entraide les uns les autres, sans tenir compte suffisamment de la qualité professionnelle. J’ai rencontré de hauts dirigeants pas très compétents qui avaient pour unique ouvrage sur leur bureau l’annuaire des anciens élèves de leur école.

Quatrième erreur, ces jeunes gens, sans expérience humaine, sont propulsés à la sortie de leur « grande » école à des postes de cadres dirigeants et ils sont censés encadrer des personnels qui ont souvent une longue expérience de leur métier.

Finalement ces grandes écoles sélectionnent principalement des hommes et des femmes jeunes, robustes physiquement, dotés d’une bonne mémoire et le plus souvent parisiens et issus des classes sociales dites supérieures. Les principaux critères de sélection sont la mémoire, la résistance physique et l’aptitude à jongler avec les sciences dures : mathématiques, physique, chimie, informatique, etc. Ce peut être utile pour des fonctions dirigeantes, mais ce n’est pas suffisant, d’autant que les sciences humaines ne sont pratiquement pas enseignées dans les grandes écoles scientifiques.

Ces « anciens élèves » ne sont pas sélectionnés sur leur capacité à juger juste, ni sur un sens de l’humain, ni sur une expérience vécue. Quelques-uns peuvent émerger et réunir ces qualités, mais ils sont très peu nombreux. La plupart de ceux que j’ai rencontrés étaient, sous un abord avenant, mais bien souvent condescendant, des personnages conformistes, prétentieux, aux pratiques corporatistes sclérosantes.

Il serait impératif de supprimer ces écoles de formatage qui n’existent dans aucun autre pays d’Europe. Ou tout au moins de les transformer en des écoles de formation permanente, ouvertes à des hommes et à des femmes ayant déjà fait leurs preuves professionnelles pendant une dizaine d’années.

Voir : Compétition ou solidarité. Intelligence et jugement juste. Pensée binaire.

Religions

Aides ou freins à la démocratie ?

Les religions ont une grande influence sur la vie démocratique d’un pays même si la pratique religieuse a considérablement diminuée. Parmi les grandes religions dominantes en France et en Europe, deux, le catholicisme et l’islam, ont tendance à freiner ou à s’opposer à un fonctionnement démocratique de la société ; trois, malheureusement minoritaires, le protestantisme libéral, le judaïsme et le bouddhisme zen ont plutôt tendance à le favoriser.

Je parle ici des institutions religieuses et de la culture dominante chez ceux qui ont été formés par leur religion d’origine ou, du moins, par celle de leur milieu familial. On trouve en effet nombre de catholiques libéraux ou de musulmans libéraux, mais ils ne sont pas majoritaires parmi ceux qui se réclament de ces deux religions. Inversement, les protestants qui continuent à pratiquer et vont au culte sont de plus en plus nombreux à être fondamentalistes, c’est-à-dire à chercher dans la Bible des règles de conduite et de pensée à respecter à la lettre plutôt qu’une inspiration spirituelle. Et parmi les bouddhistes français, bien des adeptes, issus du catholicisme, recherchent une Église de remplacement.

Les religions ont l’intérêt, face à l’anonymat des grands ensembles urbains modernes, de permettre une appartenance à un groupe et de donner une identité sociale.

Le catholicisme et l’islam ont en commun d’être dirigés par des hommes qui, en raison de leur statut sacerdotal et sous prétexte qu’ils ont travaillé sur les textes sacrés, les interprètent et érigent des règles, des lois, des dogmes qu’ils imposent aux fidèles. Ces règles, lois, dogmes et fatwas concernent la vie sociale et la vie privée. Inventées par des hommes, elles ne sont en rien l’expression de la volonté d’un Dieu supérieur, mais les fidèles sont incités, obligés et même condamnés à y obéir sous peine de mise à l’index ou d’exclusion de la communauté. Le fidèle est formé à obéir et non à réfléchir par lui-même, à être autonome, à juger suivant son libre arbitre.

Le protestantisme libéral, au contraire, incite l’individu à juger par lui-même, à critiquer les autorités en place, à décider de sa propre vie. Le citoyen est mieux préparé au débat démocratique et à se faire une opinion qui lui est propre, plutôt que de s’aligner sur les positions des hommes de pouvoir1.

De la même façon, le bouddhisme zen, par la pratique de la méditation, amène le pratiquant à développer sa propre personnalité, à ressentir ses désirs, ses convictions intimes, tout en apprenant à maîtriser ses émotions. Il développe son empathie avec son environnement, le monde qui l’entoure, la nature, les autres. Il est progressivement amené à être majeur et à devenir capable de participer avec tolérance à un débat démocratique.

Quant au judaïsme, je ne sais trop qu’en penser. En dehors de débats sur les origines historiques de telle ou telle pratique, de la grande importance donnée aux rites, j’avoue avoir du mal à saisir ses enseignements philosophiques, moraux ou spirituels. Mais je constate qu’il produit des intellectuels très intelligents au sens de la capacité à discuter et à spéculer, très autonomes sur le plan intellectuel, ce qui est utile dans le débat démocratique.

Ajoutons enfin les communautés fermées, les sociétés secrètes, certaines confréries, les sectes. Ce sont de véritables organisations religieuses, en général bien loin de toute démocratie privée ou publique.

1.  Malheureusement ce protestantisme libéral, bien présent au milieu du XXe siècle en France, a tendance à s’effacer au profit d’un protestantisme fondamentaliste.


Voir : Catholicisme. Islam en France. Protestantisme libéral. Culture monarchique.

Catholicisme

Un modèle institutionnel dominant en France

Lorsqu’on essaye de comprendre la démocratie à la française, le catholicisme est une donnée fondamentale, parce que la culture catholique imprègne profondément la culture française.

L’Espagne, l’Italie sont des pays où le catholicisme est dominant, mais elles ont été formées par la réunion de petits États au XVe siècle pour l’Espagne et au XIXe siècle pour l’Italie, dans des systèmes de gouvernement fédéral. La France a été un pays centralisé dès le VIe siècle, depuis 1 400 ans.

Au siècle dernier on disait encore de la France qu’elle était la fille aînée de l’Église catholique. Or, le catholicisme est par essence monarchique. Le Pape est élu par un conclave de dignitaires, mais, une fois élu, c’est lui qui désigne les nouveaux dignitaires, qui nomme la hiérarchie et qui prend toutes les grandes décisions en dernier ressort.

L’organisation de l’Église catholique romaine est hiérarchique et centralisatrice. Chacun doit obéissance et respect à la hiérarchie. En France on retrouve cette attitude chez la plupart des responsables, leaders politiques ou chefs d’entreprise, mais aussi chez la plupart des militants et des salariés. Dans les partis politiques, sauf à gauche de la gauche, c’est un conclave au sommet de chaque courant et de chaque parti qui porte le débat final et c’est le chef de clan qui tranche. Dans les entreprises, le patron se sent investi d’un pouvoir de droit divin ; les meilleurs entendent leurs conseillers les plus proches, mais ils tranchent seuls.

L’institution catholique romaine a transformé l’enseignement du Christ qui prônait l’humilité et l’amour des autres en une religion de puissance et de gloire. J’ai connu des dominicains, des sœurs de la charité, deux évêques (tous deux mis à l’index ou exilés), qui étaient de véritables chrétiens. L’Église catholique se réclame du christianisme, mais de fait, dans la pratique, l’institution n’est pas réellement évangélique. Elle soutient le plus souvent les pouvoirs en place, qu’ils soient politiques ou économiques. Elle a été jusqu’à soutenir les dictatures fascistes qu’il s’agisse de Franco, de Salazar, de Mussolini ou de Pinochet.

Cette culture monarchique imprègne les dirigeants français et a atteint son paroxysme avec la Constitution de la Ve République. Notre régime s’appelle République, en fait il s’agit d’une monarchie élective comme celle de l’Eglise catholique romaine.

Voir : Décideur. Constitution de la Ve République. Culture. Fédéralisme et diversité. Monarchie française Principes de la démocratie. Protestantisme libéral.

Protestantisme libéral

Une culture profondément démocratique

Le protestantisme libéral est incompréhensible pour la grande majorité des Français qui sont imprégnés, même s’ils ne sont plus pratiquants, par la culture catholique.

Je ne parle pas des différentes sortes de confessions protestantes pour lesquelles des chefs religieux ont inventé des règles et des lois imposées aux fidèles. Je prends ici comme exemple, dans le cadre d’une réflexion sur la démocratie, ce qu’ont été les pratiques du protestantisme libéral dans l’histoire.

Contrairement à l’Église catholique où le curé dit aux fidèles voici ce qu’enseigne notre Sainte Mère l’Église et voici, donc, ce que vous devez croire et pratiquer, le pasteur protestant qui monte en chaire s’appuie sur des passages de la Bible et sur des enseignements laissés par des théologiens ou des philosophes et il dit aux fidèles : voici personnellement ce que j’en retire et ce que je crois, maintenant faites-en ce que vous voulez.

On croit que « protestant » signifie protester contre l’Église catholique, parce que c’est ce qui s’est passé au moment de la Réforme, or, protestant vient de protestare en latin qui veut dire témoigner. Le pasteur n’impose rien, il témoigne de sa foi devant les fidèles.

Deuxième caractéristique fondamentale du protestantisme libéral, le protestant est autonome. A partir de la lecture de la bible et des témoignages de sa famille, des pasteurs et des théologiens qu’il a pu entendre, il décide seul, en toute liberté, de ce qu’il croit et de sa conduite. Curieusement, cela donne une population très homogène, avec des comportements voisins. Dans une réunion politique, syndicale, associative, j’ai toujours facilement reconnu un protestant, même si de plus en plus d’anciens catholiques ou d’athées se retrouvent dans des attitudes comparables.

La troisième caractéristique, très forte, du protestantisme libéral est que le pasteur n’est pas nommé par une hiérarchie supérieure aux fidèles. L’individu a droit à la parole. Les membres de la paroisse locale se réunissent en assemblée et élisent un Conseil presbytéral qui les représente. Le Conseil presbytéral choisit un pasteur sur une liste d’aptitude proposée par l’Église réformée et il peut le révoquer.

Autonomie de l’individu, liberté de choix personnel, choix des responsables par l’assemblée de base, fédéralisme, le protestantisme libéral est intrinsèquement démocratique, du moins dans ses principes.

Voir : Catholicisme. Culture monarchique. Fédéralisme et diversité. Libéralisme.

Islam en France

Respecter les lois civiles du pays où l’on réside

L’islam est devenu la deuxième religion de France, puisque 6 millions de Français ou de résidents étrangers en France s’en réclament. Mais c’est une religion qui dérange, parce qu’elle ne correspond pas aux siècles d’évolution que notre pays a connus vers l’autonomie de l’individu et la séparation de la vie publique et de la religion.

La grande majorité des musulmans vivant en France sont libéraux. Dès la deuxième ou la troisième génération, ils adoptent les us et coutumes de notre pays. Mais ils restent écartelés entre les enseignements de leur religion et les principes de la société française comme la laïcité. Nombre de jeunes femmes d’origine algérienne ont trois vies : celle avec leurs parents, celle avec leurs frères, sœurs et cousines, celle avec leurs amis français.

On doit en effet constater que la religion musulmane telle qu’elle est enseignée ne reconnaît pas la laïcité, ne distingue pas le civil du religieux, impose à l’individu des règles qu’il ne peut choisir librement, établit une suprématie pesante du père sur la famille et du grand-frère sur les soeurs, attribue à la femme un statut inférieur à celui de l’homme et, pire, un statut de soumission à l’homme.

Une grande partie des musulmans français n’hésite pas à s’écarter de ces règles, mais ce qui est grave, et on rencontre cela aussi dans les autres religions, qu’il s’agisse du catholicisme, du protestantisme ou du judaïsme, c’est qu’un grand nombre de croyants refusent de critiquer les intégristes sous prétexte qu’il s’agit de croyances religieuses et ne condamnent les extrémistes de leur religion que du bout des lèvres.

Il faut évidemment faciliter aux musulmans l’exercice de leur culte, les autoriser à construire ou aménager des mosquées et des minarets, mais à condition que ces minarets ne soient pas provocateurs, respectent les hauteurs des règles d’urbanisme du lieu et que des appels à la prière ne soient pas imposés à tous ceux qui n’ont pas la même religion ou ne pratiquent aucune religion. Par contre, tout doit être mis en œuvre pour amener les populations musulmanes à admettre que les écritures saintes et les recommandations des autorités religieuses ne constituent pas un code imposant des règles à appliquer impérativement, mais une source d’inspiration que chaque individu doit avoir la liberté personnelle d’interpréter. Cela passe non seulement par un consentement ou une volonté personnelle, mais par une évolution culturelle des communautés.

En tout cas, les règles appliquées par chacun dans sa vie personnelle, sa vie familiale et sa vie sociale doivent respecter démocratiquement les lois et règlements votés par la majorité des citoyens du pays où l’on réside.

De même qu’il est interdit de circuler masqué en public ou qu’il est interdit aux pratiquants de la « religion naturiste » de se promener nus dans les lieux publics, le port de la burka ne peut être toléré, parce qu’il est le symbole de la soumission de la femme à l’homme qui l’accompagne, lui, à visage découvert et qu’elle coupe la femme de la société. C’est une négation du principe d’égalité entre les citoyens.

Voir : Immigration. Laïcité. Religions. Tolérance.

Culture monarchique

Un handicap pour la démocratie en France

Je prendrai ici le terme de culture dans son acception allemande, au sens de civilisation ou d’âme d’un peuple. La culture est alors l’héritage du passé qui imprègne une population. C’est lié à son histoire, à l’accumulation de souvenirs collectifs, de modes de pensée, aux influences climatiques et territoriales.

Je donnerai un exemple très trivial de différenciation culturelle : vous allez en Autriche chez l’habitant, tous les jours à midi, ou presque, sauf les jours de fête, vous mangerez une nourriture saine mais monotone : pommes de terre, chou, saucisses ou côte de porc. Un Français, au contraire, surtout s’il reçoit un étranger, se croirait déshonoré de lui offrir tous les jours le même menu ou presque ; sa cuisine sera plus variée, plus recherchée que celle de l’Autrichien.

Par contre, en Autriche, les maisons seront fleuries, les barrières homogènes, le style et l’environnement architectural et naturel respectés par chacun. En France, il n’y a qu’à regarder les banlieues et les environs d’une ville ou du moindre village, on se permet de construire n’importe quoi, sans respect de l’environnement, depuis la maison qui se veut originale jusqu’au hangar agricole en parpaings et en tôle ondulée.

C’est cela la culture : des valeurs, des comportements qui marquent l’inconscient. En France on distingue assez bien un marseillais, un breton, un alsacien, un bordelais ou un parisien, chacun marqué par sa culture régionale, malgré une langue commune et deux siècles de « francisation ».

En matière de démocratie, la faiblesse de la France, même si ses intellectuels et ses hommes politiques ont beaucoup parlé depuis des siècles de démocratie, est d’être un pays qui est resté de culture monarchique où toute décision vient d’en haut.

Malgré les révolutions dites républicaines, l’amélioration du niveau d’instruction, le développement des médias, les facilités de circulation, la France est marquée par la centralisation et la personnification du pouvoir par un homme. Le modèle institutionnel français, dans les assemblées publiques comme dans les entreprises privées, demeure l’Église catholique romaine. Ce n’est pas pour rien que l’on a toujours dit que, plus que l’Italie ou que l’Espagne, pays catholiques mais formés de petits Etats ou de régions très autonomes, la France était la fille aînée de l’Église catholique.

La Constitution de la Ve République a instauré une véritable monarchie élective et cette aberration archaïque est on ne peut plus populaire. Qu’il s’agisse de la nation, de la commune, d’une entreprise, on veut un responsable unique. En France, presque tous les chefs d’entreprises ou les maires se croient obligés de tout décider eux-mêmes, directement ou indirectement par délégation. En général on décide d’abord et on consulte ensuite et, si on consulte, on décide tout seul.

On est loin de la démocratie participative. Dans tout groupe il faut un décideur, mais la façon dont les chefs politiques ou les chefs d’entreprises français décident est une source d’erreurs, de retards et de gaspillages phénoménaux.

C’est une des raisons des difficultés de la France à résoudre ses problèmes collectifs. Dans une société moderne d’une extrême complexité un décideur reste nécessaire, mais dans le cadre d’un système de direction collégiale. Les pays germaniques, au contraire, ont une culture de la collégialité et de la recherche du compromis.

Pour atteindre un bon niveau de fonctionnement démocratique non seulement il faut établir des règles institutionnelles propres à assurer  ce  fonctionnement,  mais  encore  faut-il  respecter  l’esprit de ces règles. Elles sont une condition nécessaire, mais pas suffisante, car la plupart des règles peuvent être détournées. Une culture démocratique, un état d’esprit qui met en œuvre les principes fondamentaux de la démocratie sont indispensables.

Voir : Catholicisme. Décideur. Constitution de la Ve République. Démocratie participative. Conditions nécessaires et suffisantes. Monarchie française