Propositions pour une VI° République démocratique, sociale et écologique


François LALANDE

Vers la démocratie

Institutions politiques et civiles

De la nécessité d’institutions modernes et efficaces

La politique concerne les affaires de la cité (Politis en grec), c’est-à-dire les affaires communes à un groupe de citoyens qui vivent dans un même lieu ou qui ont des liens permanents entre eux.

On appelle « Institutions politiques » les mécanismes stables par lesquels sont désignés ceux qui prennent les décisions au nom de tous et la façon dont sont élaborées et votées les lois applicables à tous. Stables signifie qu’elles inscrivent dans la durée les dispositifs de prise de décisions nécessaires à la gestion de la collectivité. Mais stable ne veut pas dire intangible ou figé. Les institutions politiques, contrairement à ce que voulait imposer le projet de traité européen en 2005, doivent pouvoir évoluer pour pouvoir s’adapter aux évolutions humaines et économiques.

Les institutions politiques ont une vocation générale. Ce sont le Parlement (l’Assemblée nationale et le Sénat), le Gouvernement, les collectivités territoriales : Régions, Départements, Communes, etc. Mais il y a d’autres institutions collectives, celles qui organisent les  différents  pouvoirs  qui  régissent  aussi  la  vie  des  citoyens : justice, enseignement, recherche, médias, santé, transports, entreprises publiques et entreprises privées. On peut ajouter les partis politiques, les syndicats, les associations et les Églises.

De l’ensemble de ces pouvoirs collectifs, de leur mode d’organisation et de la qualité de leur fonctionnement dépendent la liberté, le bien-être de chacun et le niveau de démocratie.

Des institutions réellement démocratiques sont une condition nécessaire pour un bon fonctionnement de la démocratie, mais elles ne sont pas suffisantes à elles seules ; dire qu’elles sont nécessaires signifie que si nos institutions ne sont pas démocratiques, notre niveau de démocratie sera faible. Il est bien évident qu’il faut plus que des institutions correctes pour que vive la démocratie, il faut que les citoyens soient imprégnés d’une culture démocratique, mais sans institutions correctes tous nos efforts sont vains.

On entend régulièrement dire par les commentateurs : on ne va pas encore parler des institutions de la France. Eh bien si, parlons-en. Je pense que la mauvaise conception de nos institutions, ajoutée à nos traditions monarchiques, est une clé qui bloque tout. Si on en parle si souvent, c’est justement parce que nous n’avons pas adopté des institutions modernes.

Nos hommes et nos femmes politiques, à gauche comme à droite, et quoi qu’en disent les médias, les salons et le café du commerce, sont pour la plupart dévoués et compétents. Mais ils me font penser à des champions internationaux de Formule 1 auxquels on confierait une voiture avec un pneu crevé, une bielle coulée et un volant mal fixé.

Si on considère la Constitution de la Ve République, l’organisation des municipalités, l’intercommunalité ou l’Europe, les modes de débat démocratique et de prise de décision, voulus par les textes constitutionnels actuels, sont aberrants. Il ne s’agit donc pas de réformer la Constitution de la Ve République par petites touches, comme cela a été fait 27 fois en 50 ans, mais de changer radicalement de Constitution pour se rapprocher des pays à haut niveau de démocratie.

Les deux premiers, État et Municipalités, sont régis par un système monarchique archaïque. Départements et régions bénéficient d’un système voisin, si on considère ce qu’un Laurent Wauquiez a su mettre en place. Pour les deux derniers, intercommunalité et Europe, on doit déplorer un manque de démocratie flagrant, avec tous les gâchis et défauts que cela entraîne dans une société moderne de plus en plus complexe.

Il serait urgent en premier lieu :

 - de mettre à plat tout notre système institutionnel, de se donner le temps, pendant un an à un an et demi, de la réflexion, d’un large débat public et de rechercher ce qui fonctionne efficacement dans les autres pays de l’Europe de l’Ouest

- d’élire une Assemblée constituante, pour définir de nouvelles institutions.

Voir : Communes, dimensions et limites, Conditions nécessaires et suffisantes. Constituante. Constitution d’une VIe République. Constitution de la Ve République. Europe fédérale future. Europe libérale actuelle. Monarchie française Radicalisme.

Association loi 1901

Une belle conquête

Dans la vie sociale comme en politique, ceux qui se sentent proches ont envie de se regrouper. C’est humain. À part quelques très rares individus, chacun a besoin d’avoir une famille, un groupe d’amis proches, un parti ou une association où il retrouve ceux qui ont les mêmes centres d’intérêt.

À l’époque de la France rurale, la famille et le village étaient le lieu des rencontres entre citoyens, mais avec une forte limitation des libertés individuelles. La ville offre plus de libertés, mais pour ne pas se sentir isolés, bon nombre de citoyens ont besoin, dans leur propre intérêt ou dans celui de la collectivité à laquelle ils appartiennent, d’adhérer à des associations spécialisées, à des associations généralistes comme les associations de quartier, et finalement de se retrouver un village au sein de la grande ville.

 Lorsqu’il vient à s’intéresser aux questions collectives, à la vie en société, le citoyen adhère en général en première étape à une association d’intérêt local ou spécialisée sur un sujet d’intérêt national. S’il veut approfondir et généraliser son action, il adhère ensuite à un parti politique.

Une des plus belles conquêtes de la démocratie française a été la loi de 1901 sur la liberté d’association. Chacun a le droit de s’associer avec qui il veut et suivant les règles que choisit librement l’association.

Voir : Démocratie participative. Droits fondamentaux. Expériences sociales et culturelles. Groupes d’Action Locaux. Courants et programmes des partis politiques.

A. Institutions nationales

Monarchie française

Le rôle prépondérant des chefs

La France est profondément marquée depuis 1400 ans par la culture monarchique. Elle est imprégnée du rôle du décideur suprême, du chef qui guide et rassemble ses subordonnés, qui connaît mieux qu’eux les décisions à prendre. Cela va du chef d’entreprise, grande ou petite, aux responsables politiques de premier rang, qu’il s’agisse du Maire dans une commune ou du Président de la République.

Dans une mairie, nos institutions donnent au Maire les plus grands pouvoirs : il est l’arbitre et le décideur unique, il est maître de l’ordre du jour du Conseil municipal, il attribue et peut retirer leurs délégations aux différents adjoints, il répartit les budgets et les moyens. Le système majoritaire lui permet de faire voter ce qu’il a décidé par le Conseil municipal et ensuite il exécute avec une grande marge de manœuvre personnelle les décisions du Conseil municipal.

Au niveau national, lorsque la majorité de l’Assemblée nationale est de son bord politique, la Constitution de la Ve République donne au Président de la République le pouvoir de soumettre l’Assemblée nationale à ses décisions personnelles. Par exemple, à la fin des débats du Grenelle de l’environnement organisé en 2007, les commentateurs ne disaient pas : que va décider le Parlement ? Mais : que va décider le Président ?

Une élite libérale française a été à l’origine de la révolution de 1789, mais celle-ci a abouti à l’Empire napoléonien. Les républiques du 19e siècle ont produit le Second Empire ; celles du 20e siècle ont abouti à la monarchie gaulliste impériale et nationaliste ; au 21e siècle nous sommes tombés à la monarchie sarkozyenne puis macronienne, qui présente tous les excès de pouvoir et les risques de dérive d’un despotisme doux, où l’on ne met pas les opposants en prison, mais où le prince et son oligarchie décident de tous les choix politiques fondamentaux.

À la tête des entreprises françaises, la grande majorité des patrons considèrent qu’ils ont la science infuse. Même éclairés, prenant conseil de leurs collaborateurs, ils croient qu’ils ont la responsabilité de décider seuls et d’imposer leurs décisions. Peu savent jouer de façon moderne leur rôle de chef.

La majeure partie de la vie économique et politique française est affaiblie par ces chefs monarchiques et leurs décisions solitaires. C’est un système complètement dépassé, que la vie réelle finit par atténuer et corriger, mais au prix de pertes de temps et d’énergie considérables.

Voir : Décideur. Constitution de la Ve République. Culture monarchique. Despotisme éclairé. Législatif.

Constitution de la Ve République

Le retour au Second Empire de Napoléon III

La IVe République connaissait une grande instabilité gouvernementale. Malgré cela elle a su reconstruire la France après la guerre dans le cadre de plans d’aménagement du territoire et sur le modèle d’une sociale-démocratie d’économie mixte, mi privée mi publique. Elle a finalement buté sur le conflit algérien et il a fallu faire appel à De Gaulle, un monarque prestigieux et manipulateur, doué d’un pouvoir de parole extraordinaire, pour sortir de cette impasse.

Michel Debré, tout à sa dévotion au Général, a fabriqué avec De Gaulle, une Constitution, la Constitution de la Vème République du 4 octobre 1958, qui donne tous les pouvoirs au Président de la République, lorsque ses soutiens et ses vassaux ont la majorité à la Chambre des députés appelée Assemblée nationale.

Pierre Mendès France s’est opposé avec fermeté à cette constitution monarchique. Il a très bien vu et écrit dans son ouvrage « La République moderne », que, au lieu de progresser vers des régimes constitutionnels stables, comme ceux des pays d’Europe du Nord, avec des gouvernements de législature, la Ve République nous faisait revenir en arrière au Second Empire de Napoléon III.

François Mitterrand avait écrit une critique vigoureuse de cette constitution « Le coup d’État permanent », mais il n’a pas respecté ses propres engagements. Une fois au pouvoir, il s’est lové dans la monarchie.

Pendant 40 ans ce caractère monarchique a été en partie masqué aux yeux de l’opinion, parce que de Gaulle laissait l’intendance à ses ministres et que les Présidents qui lui ont succédé avaient été formés au parlementarisme. Toutes les grandes décisions d’orientation concernant la politique énergétique, les transports, l’agriculture, la politique extérieure, etc. étaient prises par les Présidents, mais ils laissaient l’application de ces décisions et la gestion économique et sociale courante au Premier Ministre, aux Ministres et à des débats parlementaires qui occupaient la scène politique.

De plus, les périodes de cohabitation, au cours desquelles la majorité parlementaire et le gouvernement n’étaient pas du même bord politique que le Président, redonnaient momentanément un pouvoir de débat à l’Assemblée nationale.

Les choses se sont aggravées pour deux raisons. Depuis que le calendrier électoral a été modifié en 2000, les députés sont maintenant élus à la suite de l’élection présidentielle, ce qui donne au Président de la République l’assurance à peu près certaine de disposer d’une majorité à ses ordres à l’Assemblée nationale.

Ensuite, Nicolas Sarkozy n’avait pas vécu le parlementarisme de la IVe République. Jeune avocat, il avait lu la Constitution de la Ve République et compris qu’avec cette Constitution le Président disposait de tous les pouvoirs, il était Napoléon III. On a vu se développer avec lui et autour de lui les phénomènes de cour, de flagornerie et de népotisme inhérents à tout système de pouvoir personnel, qui étaient déjà apparus sous François Mitterrand. Emmanuel Macron se prend pour Jupiter ou tout au moins pour Napoléon IV. Il a accentué le système de monarchie présidentielle en pouvoir impérial. La cour et le népotisme s’installent inexorablement autour de lui.

Ce système de gouvernement peut être spectaculaire, populaire avec l’aide de médias directement ou indirectement contrôlés, mais il ne peut être qu’un modèle d’inefficacité politique, parce qu’il concentre tous les pouvoirs, directement ou indirectement, dans les mains d’un seul homme, qu’il abolit la séparation des pouvoirs et qu’il n’associe pas réellement le plus grand nombre à ses décisions. Il est à l’opposé d’un gouvernement de législature et d’une démocratie participative, les seules formes de gouvernement qui pourraient amener la stabilité et une bonne gestion d’une société mixte de plus en plus complexe.

Voir : Constitution d’une VIe RépubliqueDémocratie participative. Une économie mi-publique mi-privée. Gouvernement de législature.

Constitution d’une VIe République

Des institutions stables, modernes et efficaces

La Constitution de la Ve République est tellement rétrograde et la source de dysfonctionnements politiques si graves qu’il ne s’agit pas de la « réformer » – cela a été fait 27 fois depuis 1960, en aggravant son côté présidentialiste – mais de mettre en place une constitution enfin moderne, à l’exemple de ce qui existe dans la plupart des pays européens.

Il ne s’agit pas non plus d’achever la mise en place d’un régime présidentiel, peut-être utile dans des pays à tradition fédérale qui ont sans cesse besoin de cimenter leur union, mais dangereux dans une France de culture centralisatrice et monarchique.

La Constitution de la VIe République devrait reposer sur quelques principes simples :

1. Parlement. Le parlement retrouverait son rôle de débat, de confrontation des différentes propositions politiques et de choix des politiques de la nation. Finies les grandes décisions, de la force de frappe nucléaire à la politique de l’énergie, en passant par la politique économique et sociale et les engagements internationaux, prises par un Président de la République seul avec ses conseillers proches.

La Chambre des députés serait élue à la proportionnelle par un système électoral analogue à celui de la République fédérale allemande. Ce système permet d’élire personnellement des députés représentant des circonscriptions géographiques, tout en organisant une représentation proportionnelle des partis politiques.

Une deuxième chambre, le Sénat, est nécessaire pour permettre un temps de réflexion et une deuxième lecture avant le vote définitif d’une loi. Il tiendrait lieu de Conseil économique, social et environnemental, comme il en existe un pour les régions actuelles depuis le 1er janvier 2016, et deviendrait le représentant des Régions et des différentes forces sociales et économiques.

Les débats des Commissions parlementaires, organisées à la proportionnelle des groupes de la Chambre des députés, seraient publics. Lorsque leurs décisions seraient prises à une majorité des deux tiers des membres, elles prendraient force de loi. On allégerait ainsi les travaux en séances plénières.

La procédure de vote avec possibilité d’amendements serait modifiée. Il ne sert à rien de proposer des milliers d’amendements de détail qui bloquent le fonctionnement de l’Assemblée, puisque de toute façon la majorité emporte la décision finale et que des amendements ne peuvent modifier l’esprit général d’une loi. Il serait préférable que chaque groupe parlementaire ait le droit de présenter un nombre limité d’amendements et s’attache à soumettre à l’Assemblée nationale, et ainsi à l’opinion, un contre-projet.

2. Exécutif. L’exécutif, c’est-à-dire la mise en œuvre des politiques et des budgets votés par le Parlement, serait assuré par le Premier ministre et son Gouvernement responsables devant la Chambre des députés.

La stabilité serait assurée par un système de « Gouvernement de législature », comme cela fonctionne dans beaucoup de pays européens, notamment en Allemagne, où après de longues négociations à la suite de chaque renouvellement du Parlement, un compromis est trouvé pour signer un contrat de coalition entre les différents groupes formant une majorité. Dans ce système, contrairement à la IVe et à la Ve République, lorsque le Gouvernement est mis en minorité, la Chambre des députés est automatiquement dissoute et tous les députés retournent devant les électeurs. Retourner devant les électeurs est un exercice risqué, fatiguant et onéreux. Cela donnerait beaucoup plus de stabilité que la Ve République dans laquelle les remaniements ministériels ont été fréquents et l’instabilité ministérielle a seulement été ralentie.

3. Séparation des pouvoirs. La séparation des pouvoirs serait rétablie non seulement en redonnant son rôle à la Chambre des députés, mais en assurant l’indépendance de chaque type de pouvoir : justice, médias, éducation nationale, santé, recherche, culture, propriété des biens de production et des ressources financières.

La séparation des pouvoirs serait instituée par des règles constitutionnelles. L’organisation et le financement de chacun de ces pouvoirs seraient assurés par les lois votées par le Parlement. Afin d’éviter les risques de décisions partisanes ou corporatistes, leur gestion serait encadrée par des Conseils supérieurs comprenant des représentants des partis politiques à la proportionnelle, des représentants des associations d’usagers et des représentants des personnels cadres et non cadres. Sous condition d’un certain nombre de signatures, les citoyens pourraient faire appel des décisions de ces Conseils supérieurs devant les Commissions du Parlement.

Pour faire en sorte que les pouvoirs publics soient clairement séparés des pouvoirs économiques, des lois et règlements, sous le contrôle d’un Conseil constitutionnel indépendant, interdiraient que les mêmes personnes puissent à la fois avoir des responsabilités dans des exécutifs publics et des pouvoirs décisionnels, directement ou indirectement, dans des entreprises à caractère industriel, commercial ou financier.

4. Président de la République. Le Président de la République ne devrait plus être élu au suffrage universel. Dans un pays de tradition monarchique et centralisée comme la France, cela aboutit aux lamentables dérives impériales que nous constatons. Le Président de la République serait élu par les deux Chambres réunies auxquelles pourrait être joint un corps de grands électeurs tels que Présidents et Vice-présidents de Régions, de Départements, de Bassins de vie, de communautés de communes urbaines ou rurales.

Si son élection au suffrage universel était maintenue, il faudrait en tout cas que son rôle ne soit plus de diriger le pays, mais d’assurer le fonctionnement des institutions et la représentation des Français dans leur totalité et leur diversité. Par contre il aurait le pouvoir d’adresser des recommandations au Parlement et aux citoyens.

5. Assemblée constituante. Une Assemblée constituante serait chargée de définir les règles de fonctionnement des institutions de la République, y compris les règles électorales. Une Commission constitutionnelle issue de l’Assemblée constituante remplacerait l’actuel Conseil constitutionnel. Les membres de l’assemblée constituante ne seraient pas éligibles dans les autres assemblées représentatives de la République. Pour qu’ils soient indépendants, ils seraient élus pour 6 ans et non rééligibles.

La France aurait enfin des institutions stables, modernes, efficaces à l’exemple des autres grands pays européens.

Voir : Amendements ou projet alternatif ? Constituante. Culture monarchique. Constitution de la Ve République. Contre-pouvoirs. Gouvernement de législature. Instabilité ministérielle. Justice. Médias, presse écrite, Internet. Président de la République.

Constituante

Une assemblée indépendante

En France, de tout temps, le système constitutionnel, et plus spécialement le système électoral et le découpage des circonscriptions, ont été décidés par la majorité des parlementaires sortants. D’où des institutions et des découpages créés pour servir au mieux la majorité en place et empêcher l’opposition d’arriver au pouvoir.

Il en résulte un faible niveau de démocratie dans notre pays, puisque, comme je le soutiens au chapitre « Principes fondamentaux de la démocratie », la démocratie n’est pas une valeur absolue, mais que chaque pays se situe à un niveau plus ou moins élevé de démocratie. Or l’un de ces principes fondamentaux est que la majorité laisse la possibilité à la minorité de devenir majorité ou qu’elle la remplace par le vote des électeurs et non grâce à des découpages de circonscriptions électorales.

On a souvent remarqué que les autres pays d’Europe ne remettaient pas en cause leurs institutions politiques à chaque crise poli- tique, économique ou sociale majeure. Si cela a lieu en France, c’est que nos institutions politiques ont été mal conçues, aussi bien celles de la IVe République que celles de la Ve République.

L’Allemagne, par exemple, bénéficie d’une Constitution fédérale intelligente, qui lui permet d’allier la stabilité gouvernementale avec une représentation par circonscription et une représentation proportionnelle des partis. Elle lui a été pratiquement imposée par les puissances occupantes après la seconde guerre mondiale, même si elle a été élaborée avec des juristes allemands et ratifiée par un vote des Länder.

La Constitution de la Ve République a donc été modifiée 27 fois depuis sa promulgation en 1960. À chaque fois il s’est agi de réformettes qui allaient le plus souvent dans le sens du renforcement du pouvoir monarchique centralisateur à la française.

Une amélioration consisterait à désigner une Assemblée constituante chargée d’organiser le débat sur les institutions et le système électoral et de voter l’ensemble des règles relevant d’une Constitution : mode de désignation des parlementaires, fonctionnement des assemblées législatives, séparation et coopération des différents pouvoirs, système  électoral  et  découpage  des  circonscriptions électorales, etc.

Pour que les décisions d’une Assemblée constituante soient les plus proches de l’intérêt général et aussi peu liées que possible aux rivalités partisanes, il serait nécessaire que ses membres soient élus au suffrage universel, mais ne soient pas éligibles dans les assemblées qui seront ensuite élues, Chambre des députés et Sénat. Ces constituants devraient être présentés à l’élection de l’Assemblée constituante en partie par les partis politiques, parce que ceux-ci ont à débattre et à prendre position sur les institutions, et en partie par des corps de la société civile.

L’Assemblée constituante recevrait les avis d’un Collège de sages et d’experts. Elle prendrait les décisions institutionnelles en dernier ressort ou soumettrait ses propositions au référendum.

Une Commission permanente restreinte, élue par l’Assemblée constituante, exercerait les pouvoirs de l’actuel Conseil constitutionnel dont la composition, comprenant par exemple les anciens présidents de la République, est plus que contestable.

Voir : Constitution de la Ve RépubliqueConstitution d’une VIe République. Minorités. Président de la République. Référendum.

Législatif

Le rôle indispensable du pouvoir législatif

Le rôle du législatif est de définir des objectifs collectifs, puis de voter les moyens financiers et les moyens légaux pour les atteindre. Cela consiste à voter des projets, à réguler, à poser des limites et à répartir les ressources dans un souci d’efficacité et de plus grande égalité entre les citoyens.

À chaque niveau de la vie politique, c’est-à-dire de la vie collective, c’est l’organe législatif qui devrait définir — après débat public et participation des citoyens dans les associations, les partis et les mouvements politiques — les grandes orientations de la politique municipale, intercommunale, régionale, nationale et, il le faudrait, européenne et mondiale, si ces deux derniers niveaux disposaient d’instances démocratiques de gouvernance.

Le gouvernement et les exécutifs régionaux et locaux sont chargés d’appliquer les projets et les règles votées par les assemblées à caractère législatif. Celles-ci doivent avoir les moyens de contrôler et de sanctionner les exécutifs qu’elles mandatent.

En cette matière, la Constitution de la Ve République, instaurée en 1958, a confondu les rôles en attribuant, sous prétexte d’une fausse stabilité et d’une fausse efficacité, la plupart des responsabilités du législatif au Président de la République. Ici non plus, il n’y a pas une réelle séparation des pouvoirs, pourtant l’un des principes fondamentaux d’une démocratie.

Le législatif devrait décider librement de son ordre du jour. Il est profondément malsain que des options primordiales pour la vie du pays comme la politique nucléaire, la politique énergétique, la force de frappe, les interventions militaires de la France, la politique africaine, etc. aient été décidées par le Président seul au cours des soixante dernières années, sans débat devant l’Assemblée nationale, le Sénat ni l’opinion publique.

Avec un Nicolas Sarkozy pour Président, les choses s’étaient aggravées, il avait étendu le champ de ses décisions personnelles à tous les sujets de la politique du pays. Reprenons l’exemple du Grenelle de l’environnement. Il s’agissait d’une procédure intelligente faite d’une très large consultation et d’un débat ouvert au public. On a fait travailler ensemble et consulté toutes les forces vives concernées par les questions d’environnement.

À la suite de ces travaux, les conclusions auraient dues être présentées à des Commissions parlementaires et ensuite débattues par l’Assemblée  nationale  dans  des  séances  ouvertes  au  public. Au lieu de cela, tel que la Constitution de la Ve République l’autorise, tous les commentateurs, au lieu de se tourner vers les assemblées législatives, n’ont eu de cesse de dire : que va décider le Président ?

Emmanuel Macron, appuyé sur un mouvement à sa dévotion et sur une majorité parlementaire à ses ordres, a encore aggravé la concentration des pouvoirs aux mains d’un Président-empereur.

Pour un bon fonctionnement de la démocratie, il est absolument indispensable de redonner son plein rôle au législatif.

Voir : Amendements ou projet alternatif ? Constitution de la Ve République. Constitution d’une VIe République. Instabilité ministérielle. Principes de la démocratie.

Amendements ou projet alternatif ?

Cesser un jeu d’obstruction stérile

Lors du débat et du vote d’une loi importante, les députés français d’opposition, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont l’habitude de déposer des milliers d’amendements pour retarder de quelques jours le vote de la loi.

D’après l’article 44 de la Constitution chaque député a le droit de déposer un ou plusieurs amendements. Cela permet aux députés d’essayer de se mettre en valeur, mais c’est une procédure complètement stérile puisque dans notre système où le parti au pouvoir a la majorité absolue et où les députés n’ont pas la liberté de vote, mais doivent voter comme l’a décidé leur groupe parlementaire, de toute façon le parti majoritaire imposera son projet. Il y a bien quelques amendements adoptés, quelques modifications à la marge, mais le fond du projet gouvernemental est adopté.

Or l’important pour les différents groupes parlementaires, représentatifs des principaux courants politiques du pays, n’est pas d’obtenir des modifications mineures, mais de présenter un projet alternatif cohérent et de pouvoir le faire connaître aux citoyens.

Il serait donc nécessaire, pour ne pas perdre de temps dans des séances plénières aussi longues qu’inutiles, d’écarter les amendements déjà refusés en commission et de confier à un groupe de travail paritaire le soin d’éliminer les propositions d’amendements qui reprennent des amendements déjà présentés ou sont hors de sujet.

Par contre, chaque groupe parlementaire aurait la possibilité de présenter et de défendre en séance plénière un contre-projet global. Et chaque groupe aurait le même temps de parole pour présenter son projet, 20 ou 30 minutes par exemple. Ces temps suffisent pour présenter un projet de façon approfondie et le groupe majoritaire ne doit pas écraser les autres groupes dans le débat.

Point important, les votes auraient lieu ensuite à bulletin secret. Un député peut très bien appartenir à un parti ou à un groupe parlementaire parce qu’il est d’accord avec l’essentiel de ce que propose ce parti, mais sur certaines questions il peut approuver les propositions d’un autre parti politique.

Voir : Courants et programmes des partis politiques. Législatif.

Président de la République

Un médiateur et non un empereur

L’élection pour 5 ans du Président de la République au suffrage universel a été une grave erreur. C’est très populaire parce que cela provoque un grand show médiatique et donne aux électeurs l’impression de décider une fois tous les cinq ans de la politique du pays, mais cela donne au Président une légitimité bonapartiste, contribue à affaiblir le Parlement et aboutit, dans notre pays de culture monarchiste et centralisatrice, à un système très inefficace dans le monde complexe où nous vivons.

Le rôle du Président de la République ne devrait pas être de conduire seul les affaires du pays, comme le lui permet notre Constitution monarchique ou impériale. Il lui est impossible d’être à la fois le chef du parti majoritaire et le Président de tous les français.

Son rôle devrait être double :

- être le représentant et le porte-parole du pays et de la politique définie par la majorité de l’Assemblée nationale

- veiller au bon fonctionnement des institutions qui concourent à la prise des décisions collectives et à la bonne exécution de ces décisions, en jouant le rôle d’un médiateur entre toutes les composantes politiques.

Dans une démocratie moderne, le Président de la République aurait donc un rôle :

- de représentation du pays. Un peuple a besoin pour Président d’un homme ou d’une femme dont il soit fier et qui soit respecté aussi bien en France qu’à l’étranger

- de médiateur par des adresses au pays et au Parlement dans les moments importants de la vie politique et sur les grands sujets de société

- de conciliateur entre les partis lors de la constitution d’un Gouvernement de législature.

Élire le Président de la République au suffrage universel n’est pas le meilleur moyen pour désigner une personnalité respectée de tous. Cela conduit dans un grand show médiatique à faire gagner le bateleur qui sait le mieux jouer des émotions populaires. Comme cela est indiqué au chapitre « Constitution d’une VIe République », le Président de la République serait élu par les deux Chambres réunies, auxquelles pourrait être joint un corps de grands électeurs.

Voir : Décideur. Constituante. Constitution d’une VIe République. Culture monarchique. Gouvernement de législature.

Gouvernement de législature

Représentation proportionnelle et stabilité gouvernementale

La France a expérimenté beaucoup de régimes politiques : l’Empire sous Napoléon III, un régime parlementaire avec instabilité ministérielle sous la IVe République, une monarchie élective sous le prestigieux De Gaulle, une monarchie parlementaire avec les Présidents qui lui ont succédé, un retour au Second Empire avec Nicolas Sarkozy et encore plus avec Emmanuel Macron.

Le seul régime que la France n’a jamais expérimenté est le gouvernement de législature. C’est pourtant la forme de gouvernement qui est appliquée sous différentes modalités dans des pays comme l’Allemagne, les pays d’Europe du Nord, le Canada et, dans une certaine mesure, par l’Angleterre. C’est le système institutionnel qu’un homme aussi intègre et intelligent que Pierre Mendès France préconisait dans son remarquable ouvrage « La République moderne ».

Le système est simple. À la suite d’élections législatives, le Président de la République, ayant un rôle d’arbitre et non de chef suprême, demande à un leader politique de former un gouvernement susceptible d’être soutenu par une majorité de députés. Lorsqu’il a reçu la confiance de la Chambre des députés, le Premier ministre exécute, avec ses ministres, les politiques votées par le Parlement.

Si sur un projet de loi ou après avoir posé la question de confiance le Gouvernement est mis en minorité, la Chambre des députés est dissoute. Tous les députés doivent alors retourner devant leurs électeurs pour être réélus. Or beaucoup de candidats sortants ne sont pas sûrs d’être réélus, ils risquent de perdre un poste honorifique et une rémunération confortable. Une campagne électorale est quelque chose de très contraignant et même de pénible : il faut assurer une quantité de réunions électorales souvent fastidieuses, aller de salle en salle à travers la circonscription, rédiger des tracts et des documents de campagne, mobiliser des militants.

Avec ce système, les députés y regardent à dix fois avant de renverser un gouvernement. On constate que les pays qui ont adopté le gouvernement de législature ont une grande stabilité ministérielle. Cela donne aux gouvernements une durée qui leur permet d’agir.

Enfin, lorsque la Chambre est dissoute, parce qu’il y a un différend sérieux entre la majorité des députés et le gouvernement, une campagne électorale est un moyen démocratique de porter ce différend devant l’opinion et de demander aux électeurs de trancher.

Voir : Accord de gouvernement. Constitution de la Ve République. Constitution d’une VIe République. Instabilité ministérielle.

Accord de gouvernement

Le fondement d’un gouvernement de législature

La Constitution allemande est un bon exemple d’accord entre des groupes politiques pour permettre la constitution d’un gouvernement de législature.

Le système électoral allemand aboutit à élire une Chambre des députés à la proportionnelle des voix obtenues par chaque parti politique sur l’ensemble du pays. Aucun parti n’obtient la majorité absolue comme en France, ce qui amène les partis arrivés en tête à négocier un accord de gouvernement pour la durée de la législature.

Les négociations sont longues et laborieuses, 3 mois en 2013, plus de 5 mois en 2018. Les français habitués à leur système monarchique, où un chef élu doté de pouvoirs immenses commence aussitôt élu à décider de tout, ne comprennent pas. Les commentateurs français n’hésitent pas à parler de cafouillage, alors que pendant des mois un travail très sérieux de négociations est accompli.

Un homme ou une femme et son équipe restreinte ne décident pas seuls, les grandes orientations du gouvernement pour toute la durée d’une législature sont négociées jusqu’à trouver des compromis qui soient acceptés par une majorité de députés. On ne s’en remet pas à un chef, soi-disant surdoué, se référant à un programme électoral attrape-tout, mais au travail et à la sagesse d’une négociation de groupe et de la recherche de compromis plutôt que d’affrontements.

Voir : Accord de gouvernement. Constitution d’une VIe République. Culture monarchique. Gouvernement de législature.

Instabilité ministérielle

La Ve République n’est pas loin de la IVe

La IVe République a connu une grande instabilité ministérielle. Lorsqu’un  gouvernement  était  mis  en  minorité  par  la  Chambre des députés, il était renversé. On recherchait parmi les députés un nouveau Premier ministre susceptible de rassembler une majorité. Celui-ci formait un nouveau gouvernement et le présentait au vote des députés. S’il était élu, il devenait le gouvernement en exercice.

Tour à tour de nombreux députés pouvaient devenir Ministres ou Secrétaires d’État, satisfaits de l’intérêt de la fonction exercée et profitant des avantages honorifiques et matériels que cela procurait. Cela favorisait l’instabilité ministérielle : de 1944 à 1959 la France a connu 26 Premiers ministres en 15 ans, soit une durée de vie moyenne de 7 mois pour ces Gouvernements.

Cependant, au cours de cette période, si la IVe République s’est enlisée dans la guerre d’Indochine et dans la guerre d’Algérie, la reconstruction de l’après-guerre a été bien menée et beaucoup de réformes et de décisions saines pour la vie du pays ont été prises. D’autre part, certains ministres expérimentés étaient reconduits d’un gouvernement à l’autre. Ainsi, Robert Schuman est resté pendant 7 ans Ministre des affaires étrangères, sous 11 gouvernements successifs, alors que sous la Ve République, dont on vente tant la stabilité, nous avons eu 20 Ministres de l’équipement, de l’urbanisme et du logement entre 1966 et 2007, soit en moyenne un tous les deux ans.

En raison des remaniements ministériels répétés, la Ve République n’a pas vraiment amené la stabilité ministérielle. De 1959 à 2007 il y a eu 19 Premiers ministres, soit une durée moyenne de 2,5 ans, et 35 créations de gouvernements ou remaniements ministériels, soit une durée moyenne de 1 an et 4 mois pour une même équipe gouvernementale. De 1990 à 2010 nous avons eu 15 Ministres des finances différents et 10 Ministres de la culture, ce qui ne permet pas de mener des politiques saines.

Donc pas tellement de stabilité, à moins de considérer que la stabilité est apportée par le Président-monarque de la Ve République qui peut décider de tout et choisit seul ce sur quoi il va décider, avec tous les inconvénients et les dangers que nous subissons du fait de cette fonction hyper centralisée.

Comme nous l’avons vu au chapitre « Bipartisme », un autre facteur d’instabilité est dû à notre système électoral qui provoque des alternances brutales entre la gauche et la droite. De bonnes institutions devraient amener non à des affrontements de bloc à bloc mais à des compromis entre les différentes orientations politiques.

Voir : Bipartisme. Constitution d’une VIe République. Constitution de la Ve République. Gouvernement de législature. Président de la République.

Référendum

Un outil démocratique sous certaines conditions seulement

À première vue, le référendum paraît être une institution démocratique : on demande à chaque citoyen, à égalité entre tous les citoyens, de choisir une réponse à la question posée.

En pratique, c’est beaucoup plus compliqué. Suivant la façon dont la question est posée, on peut orienter la réponse. Une grande entreprise de mécanique en Alsace voulait savoir ce que son personnel pensait de la cantine. À la moitié du personnel il a été demandé : la cantine est-elle meilleure que ce que vous mangez chez vous ? Réponses majoritaires, non. À l’autre moitié on a demandé : la cantine est-elle une bonne cantine par rapport à celles que vous avez connues ? Réponses majoritaires, oui.

En outre, la France n’est pas un pays de tradition démocratique et fédéraliste comme la Suisse. En raison de la culture monarchique ambiante, les référendums aboutissent le plus souvent chez nous à plébisciter ou à rejeter le chef au pouvoir.

Ajoutons que la plupart des décisions politiques ne se résolvent pas par un oui ou par un non. Il faut prendre en général des mesures complexes et doser entre le plus et le moins. Il est donc préférable que les décisions soient prises à la majorité par une Chambre de députés, à condition qu’il ne s’agisse pas d’une Chambre dont la majorité est aux ordres du pouvoir exécutif, que des Commissions paritaires fonctionnent et que les débats soient publics.

Dans certains cas, forcément en nombre très limité, on peut avoir recours au référendum. Cela permet de sortir des cercles fermés du pouvoir, d’ouvrir un large débat et de dégager une majorité culturelle dans la population. Le référendum peut être un outil pour plus de démocratie, mais à condition de respecter les conditions suivantes :

- la ou les questions posées doivent être rédigées par une commission indépendante du pouvoir en place.

- le vote doit être précédé d’un large débat public dans lequel les mêmes temps de parole et les mêmes surfaces écrites sont données aux pour ou aux contre, même si l’un des deux camps paraît très minoritaire.

- le pouvoir exécutif, le Président de la République dans notre système de monarchie élective ou le Premier Ministre en régime parlementaire, ne doit pas mettre sa démission dans la balance. Sinon, au lieu de répondre à la question posée, les électeurs votent pour ou contre le pouvoir en place. C’est ce qui s’est passé en 1969 lors de la démission du Général de Gaulle à la suite du référendum sur la décentralisation régionale. Quel que soit le résultat, il doit être entendu que l’exécutif restera en place et que le Parlement et l’exécutif appliqueront la décision retenue.

En ce qui concerne les référendums locaux la délimitation du périmètre dans lequel les électeurs seront appelés à voter est une question extrêmement difficile. A Grenoble lors du référendum pour ou contre la création d’un réseau de tramways en 1983, seuls ont voté les électeurs de la ville de Grenoble qui ne représentait que 160.000 habitants au sein d’une agglomération de 400.000 habitants qui tous ont l’usage de ce tramway. Pour le référendum sur l’aéroport de Notre-Dame des Landes, là aussi il a été très délicat de définir le périmètre des votants, sans compter que le résultat du vote n’a finalement pas été retenu par le gouvernement.

Il peut y avoir aussi des référendums consultatifs. Ce type de référendum permet d’organiser un débat et une consultation publics, mais le pouvoir en place n’est pas forcé d’appliquer ce qui a été voté. Si le pouvoir adopte finalement une position différente de celle dégagée par les votes, cela l’oblige à donner très explicitement et très clairement les raisons de son choix.

À l’usage on constate que les résultats des référendums sont dans leur très grande majorité conservateurs. Même les élus de droite acceptent en général mieux des mesures généreuses que leurs électeurs, parce qu’ils participent à des débats, parce qu’ils ont reçu et assimilé des informations qui n’ont pas atteint leur électorat ni changé sa mentalité.

Voir : Commissions indépendantes. Culture monarchique. Gouvernement de législature. Majorité culturelle.

Cour des comptes

Les entreprises privées aussi

La Cour des comptes vérifie s’il est fait un bon usage de l’argent public, c’est bien. Elle pointe les gaspillages qui peuvent avoir lieu dans les services et les entreprises publiques ou parapubliques, c’est utile. Et parce qu’il s’agit de l’argent public, ses conclusions sont largement diffusées. La veine journalistique de l’anti-service public et de l’anti-fonctionnaire est très fructueuse pour les médias et quelques errements jettent l’opprobre sur l’ensemble des services publics.

Dans le même temps, dans le secteur privé, où aucun contrôle analogue n’est mené, il se passe des choses bien plus graves et beaucoup plus répandues. Les stocks options, les parachutes dorés, les caisses noires du patronat ne sont que l’écume par rapport aux multiples détournements de biens sociaux. Quant aux grands groupes commerciaux et financiers, par leurs marges excessives entre les prix d’achat et les prix de vente, ils spolient les producteurs, les consommateurs et les usagers et se soucient beaucoup plus d’enrichir leurs dirigeants et leurs actionnaires que de servir leurs clients. Quasi monopoles et ententes sont là pour bien encadrer des consommateurs qui ne peuvent que payer.

La grande réponse du privé pour échapper à tout contrôle est de dire qu’il y a concurrence et que le consommateur peut acheter ou ne pas acheter, ou changer de fournisseur. C’est faux. Le consommateur est obligé d’acheter ce qui lui est nécessaire pour vivre et de nos jours il n’a à proximité de chez lui que des zones commerciales contrôlées par de grands groupes qui ont des ententes tacites sur les prix.

Par exemple, vous achetez une paire de chaussures légères, fabriquées en Asie, à 20 € dans un magasin d’un quartier populaire, qui ne vend certainement pas à perte. Vous retrouvez les mêmes dans les grandes surfaces aux alentours de 50 €. Au moment des soldes les décotes vont jusqu’à – 70 %, soit 15 €, or les magasins n’ont pas le droit de vendre à perte, c’est donc que la marge était au minimum de + 300 %. Par une entente tacite toutes les grandes surfaces ont des prix voisins ou ouvrent des magasins discounts sur les mêmes bases de prix.

Par une curieuse aberration, la plupart des gens vous diront qu’il y a une différence entre des services fournis sur l’argent public prélevé par les impôts et des services achetés à une entreprise privée. Pourquoi ? Dans les deux cas il s’agit de l’argent du même citoyen. Son niveau de vie dépend non seulement de ce qu’il gagne, mais des prix et des tarifs qu’on lui impose, c’est-à-dire à la fois des prélèvements publics et des prélèvements privés qui lui sont imposés.

Puisqu’il s’agit de ponctions sur l’argent dont nous disposons, pourquoi n’y aurait-il pas un contrôle sur les ponctions privées comme sur les ponctions publiques ? Les entreprises privées comme les entreprises publiques devraient être soumises à un contrôle de la Cour des comptes. Celle-ci aurait une Chambre publique et une Chambre privée, dont les conclusions seraient pareillement rendues publiques, concernant les salaires des dirigeants, les abus de bien sociaux, les conditions de travail des salariés, le respect des fournisseurs, des sous-traitants, des clients et de l’environnement.

Voir : Coopératives de production. Profit maximum ou juste bénéfice ?

Justice

Un Grenelle de la justice est urgent

La justice française est dans un état déplorable, son fonctionnement est une source d’injustices nombreuses, parfois monstrueuses, même si la majorité des juges et des personnels de justice sont consciencieux et dévoués.

Un grand nombre de tribunaux ne disposent pas des moyens matériels, bureaux, ordinateurs ou moyens en personnels nécessaires pour faire leur travail correctement et dans des délais convenables pour les justiciables. Les petits délinquants sont jugés en vitesse à la chaîne, alors que les puissants bénéficient de multiples défenses et protections judiciaires. Des procès importants pour les justiciables traînent pendant des années.

En France les jugent du siège, ceux qui jugent et décident, sont indépendants, ils ne reçoivent pas de directives du pouvoir politique. Par contre la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré, à l’unanimité, que le parquet français, les procureurs, ceux qui instruisent les affaires pénales et criminelles, n’étaient pas une autorité judiciaire, qu’ils ne pouvaient être qualifiés de juges compte tenu de leur dépendance du pouvoir exécutif, c’est-à-dire du gouvernement. Or en matière pénale 97 % des jugements rendus n’ont pas fait l’objet d’une instruction par un juge d’instruction indépendant, l’enquête a été diligentée par un procureur placé sous l’autorité du ministre de la justice. Dans toutes ces affaires il n’y a pas de réelle séparation des pouvoirs entre la justice et le pouvoir exécutif.

Du côté de l’instruction, l’affaire d’Outreau a révélé au grand jour les conséquences horribles – emprisonnements injustifiés, suicide, vies cassées – d’une instruction judiciaire confiée pratiquement à un seul jeune juge d’instruction, inexpérimenté, maladroit, imbu de sa fonction et encadré par une hiérarchie déficiente.

J’ai été amené à suivre de près une affaire judiciaire concernant de supposés emplois fictifs, mélangeant vrais coupables et faux coupables. Elle s’est terminée par des relaxes pour les non coupables, mais à la suite d’une instruction qui s’est déroulée en 15 étapes que j’ai suivies une à une. Je peux témoigner de ce que ces étapes ont constitué 15 injustices ou dénis de justice et autant de condamnations morales a priori pour les victimes de cette soit disant justice, victimes d’une instruction mal menée de bout en bout.

Il ne s’agit pas de supprimer le juge d’instruction, ce qui affaiblirait l’efficacité de la justice, mais d’améliorer le système en séparant nettement l’instruction de la prise de décision et surtout en rendant collectives les décisions pour tout ce qui touche à l’honneur et à la liberté des justiciables.

Quant au code des peines, le système des peines planchers a été abandonné en 2014, mais de jeunes récidivistes qui volent des objets dans des grands magasins peuvent être sévèrement condamnés. Alors que dans le même temps les propriétaires et dirigeants de ces magasins volent en permanence leurs clients et leurs fournisseurs en multipliant à la vente le prix d’achat de certains produits par 2, 3 ou 4, et des chefs d’entreprise ou des dirigeants de sociétés privées procèdent légalement à des détournements de fonds en s’octroyant des salaires, des primes, des stocks options et des retraites dorées qui leur rapportent des millions d’Euros.

La justice est une institution fondamentale de la démocratie. Pour que les règles édictées par les pouvoirs publics, dans l’intérêt de tous et notamment des moins forts, soient respectées et appliquées, il faut un pouvoir de contrôle, une police, et des sanctions. C’est le rôle de la justice.

Suivant le principe de la séparation des pouvoirs, la justice devrait être indépendante. Dans la Constitution de la Ve République qui nous régit, il est écrit à l’article 64C, que le Président de la République est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Or le Président de la République est devenu le chef de l’exécutif et il est de fait le chef du parti majoritaire. On est en plein ridicule, il n’y a plus aucune séparation des pouvoirs.

Pour revenir à une véritable séparation des pouvoirs, il faudrait réformer la Constitution pour que le Président de la République ne soit plus le chef de l’exécutif. Il reviendrait ensuite au Parlement de définir l’organisation de la justice, son fonctionnement et, non pas de la contrôler, mais de mettre en place des procédures qui l’empêchent de tomber dans le corporatisme ou d’instituer un gouvernement des juges. En ce sens l’appel à des tribunaux associant magistrats et non magistrats est intéressant. Quant au Conseil supérieur de la magistrature, il devrait comprendre une majorité de membres extérieurs à la magistrature.

Tout cela est possible, à condition que ces procédures soient débattues en premier lieu avec les professionnels concernés, avec des juristes sachant s’inspirer des expériences étrangères et en toute transparence. Un Grenelle1 de la justice est devenu indispensable pour redresser la situation. Comme pour tout « Grenelle », instance de réflexion et de propositions, les débats devraient être publics, les propositions être présentées devant une Commission parlementaire et débattues ensuite au sein d’un Parlement indépendant du pouvoir exécutif.

1. En mai 1968 s’est tenue au Ministère des affaires sociales, rue de Grenelle à Paris, une concertation sur les salaires entre le Gouvernement et l’ensemble des syndicats salariés et patronaux. Depuis on appelle « Grenelle » des concertations à l’initiative du Gouvernement rassemblant toutes les parties prenantes.

Voir : Constitution d’une VIe République. Démocratie participative. Principes de la démocratie

Police

La placer sous une autorité indépendante de l’exécutif politique

Beaucoup de militants de gauche ou d’extrême gauche rejettent la police, en font leur bouc émissaire, parce que la police est trop souvent mal encadrée, mal utilisée ou utilisée à des fins partisanes.

Pourtant la police, comme la justice, est un service public indispensable à la démocratie, si on veut éviter qu’une minorité n’impose sa force à d’autres ou ne trouble la paix à laquelle les citoyens ont droit. Les malfaiteurs, comme les chauffards sur les routes, sont traumatisants pour le reste de la population, mais en fait ils sont peu nombreux. En France 1 personne sur 1 000 est en prison, 2 ou 3 pour mille sont des fauteurs de troubles. C’est trop, mais c’est peu.

La police est indispensable. Mais tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser et tout pouvoir institué a tendance à utiliser à son profit les moyens dont il dispose. C’est pourquoi les procédures de contrôle, les associations d’usagers sont indispensables pour le bon fonctionnement de la démocratie.

Lorsque j’étais Directeur de Cabinet de Hubert Dubedout, Maire de Grenoble, je représentais le Maire auprès du Directeur départemental des polices urbaines. J’ai plusieurs fois accompagné des cars de police dans leurs tournées nocturnes. J’ai vu des policiers de base admirables sur le terrain, secourant les uns et les autres, patients et calmes devant les agressions. Mais c’était dans les périodes où ils avaient un bon directeur ; les moins bons savaient que toute bavure, tout excès serait sanctionné. Lorsqu’un autre directeur assurait mal son rôle, les bavures apparaissaient.

En revanche, cette police urbaine manquait dramatiquement de moyens. Il n’y avait que deux cars de police en patrouille la nuit dans une agglomération de 400 000 habitants, plus un car en réserve prêt à partir de l’Hôtel de police en cas d’urgence. J’ai vu un commandant de car appelé sur 3 lieux différents à la fois et avoir à choisir entre les 3. Et en fin de mois, il leur arrivait de ne plus avoir assez de crédits pour l’essence. Depuis ce manque de moyens et de personnel n’a fait que s’aggraver.

Un progrès considérable avait été l’instauration d’une police de proximité, de policiers connaissant bien la population d’un quartier, en liaison directe ou indirecte avec les travailleurs sociaux. Cela demande des effectifs supplémentaires et la droite au pouvoir s’est empressée de casser ce service public.

La démocratie a besoin de personnels de police bien formés, disposant des moyens matériels nécessaires à leurs missions, encadrés par des chefs expérimentés et par une direction intelligente et ferme, qui sanctionne toute bavure. Le tout ne devrait pas être placé sous l’autorité de Ministres politiques, tentés de demander des résultats spectaculaires, mais sous l’autorité d’une justice indépendante.

Voir : Justice. Objectifs et moyens en politique. Services publics.

B. Collectivités territoriales

 Carte administrative et politique

Adopter des limites naturelles

La France, État nation, est découpée depuis 1790 en départements, cantons et communes. On a rajouté en 1955 les Régions, puis regroupé partiellement les communes en Communautés de communes, et syndicats intercommunaux à géométrie variable. Certaines grandes communes ont des antennes de quartiers ou des municipalités d’arrondissements.

On aboutit ainsi en France à 7 ou 8 niveaux de gouvernance politique et de gestion administrative : Europe, État, Régions, Départements, Cantons, Communautés ou Syndicats de communes, Communes, arrondissement ou secteurs dans les plus grandes villes.

La plupart des pays d’Europe ont procédé à des regroupements et à des redécoupages administratifs pour s’efforcer de s’adapter à la réalité humaine actuelle. En ce qui concerne les communes la France ne l’a pas fait depuis deux siècles et demi et même plus, puisque leurs limites correspondent aux limites des paroisses sous l’ancien régime, avant la Révolution française.

Il  serait  urgent  de  redessiner  les  limites  de  chaque  niveau : Europe, État, régions, bassins de vie, communautés de communes ou structures d’agglomérations urbaines, communes ou pays ruraux de 20 000 à 30 000 habitants, afin de coller à la réalité géographique et humaine actuelle. A l’intérieur des communes ou des pays ruraux, les anciennes petites communes deviendraient des antennes de quartiers ou de villages. Dans le même temps, les grandes villes seraient découpées en communes de 20 000 à 30 000 habitants, elles-mêmes redécoupées en quartiers.

Les Régions métropolitaines ont été réduites à 12, mais les limites administratives des grandes administrations, armée, transports, énergie, justice, enseignement, qui actuellement ont toutes des découpages différents, ce qui crée des enchevêtrements et des sources de gaspillages incroyables, devraient adopter les limites de ces 12 grandes régions.

Les limites géographiques nouvelles devraient épouser les frontières naturelles géographiques, économiques et humaines. Comme nous le verrons à propos des « bassins de vie », le Département de l’Isère, par exemple et comme bien d’autres départements, a des limites aberrantes qui l’amènent hors des montagnes et des vallées alpines jusque dans les faubourgs de Lyon et à Vienne dans la vallée du Rhône.

Il faudrait aussi mettre un terme aux superpositions des subventions publiques. J’ai participé pendant des années à l’administration d’une petite association culturelle très active dans une zone rurale au Sud de Grenoble. Elle avait pour seul permanent une secrétaire à mi-temps. Mais elle recevait des subventions de 9 échelons administratifs différents : de sa commune, de la commune voisine plus importante, du Syndicat intercommunal local, de la ville de Grenoble, du Département de l’Isère, de la Région Rhône-Alpes, du Ministère de la culture, du Ministère de la jeunesse et des sports, de fonds culturels européens. Chaque dossier de demande de subvention représentait, pour de petites sommes, un lourd travail administratif.

Les subventions publiques sont un moyen très utile de répartition des richesses et de soutien à des initiatives intéressantes, mais elles devraient être globalisées et attribuées de façon décentralisée d’un niveau administratif et politique au niveau immédiatement inférieur : de l’Europe à la nation, à la région, au bassin de vie, à la communauté de communes ou au pays.

In fine, le citoyen français disposerait des 5 institutions politiques suivantes en ce qui concerne la France : la commune urbaine ou le pays rural d’environ 20 000 à 30 000 habitants, une structure intercommunale, le bassin de vie, la Région, l’État français. A ces échelons s’ajouterait les 2 niveaux d’institutions européennes : Europe de l’Ouest et États-Unis de la grande Europe.

À chaque niveau seraient dévolues des attributions en propre, non partagées avec les autres niveaux, à condition que les responsabilités de chacun soient clairement définies, qu’il soit seul à les assurer et que, dans le cadre de ses attributions, les autres niveaux n’interviennent que par des subventions globales de répartition et non au coup par coup, projet par projet.

À titre d’exemple et de façon non exhaustive, parce qu’il faudrait dresser la liste et la répartition de toutes les actions publiques :

- la commune serait chargée de l’état civil, des actions sociales, des bâtiments scolaires, de la collecte des déchets…

- le bassin de vie des logements, des transports publics, du Pôle emploi, des bâtiments de l’enseignement secondaire, du traitement des déchets…

- la région des grandes infrastructures de transport, de santé, des enseignements primaires, secondaires et supérieurs, des politiques industrielles et agricoles…

- la nation des répartitions entre régions riches et régions pauvres, de la recherche scientifique, de la coordination économique…

- l’Europe de l’Ouest des politiques fiscales et sociales, de la monnaie commune, de la législation du travail, des grands équipements de recherche, des échanges extérieurs…

- les États-Unis d’Europe de la politique étrangère, de la défense, de l’immigration, de la protection de l’environnement…

L’important est qu’il n’y ait plus de financements croisés provenant de niveaux institutionnels différents. Chaque niveau serait géré par une Assemblée élue au suffrage universel direct à la proportionnelle, sans cumul de mandats ; cette assemblée désignerait un gouvernement ou exécutif chargé d’exécuter les décisions de l’assemblée et responsable devant elle ; assemblée législative, elle aurait l’initiative des lois et le contrôle des décrets. Pour assurer la stabilité, chaque niveau fonctionnerait sous le régime d’un Gouvernement de législature.

Voir : Bassins de vie. Communes, dimensions et limites. Communes, dimensions et limites. Europe fédérale future. Gouvernement de législature. Régions.

Décentralisation

Trouver le bon niveau de décision

La France est un pays de culture monarchique, centralisée et hiérarchique depuis l’époque des mérovingiens, il y a 1400 ans.

La décentralisation mise en place en 1982 par Pierre Mauroy et Gaston Deferre a représenté un effort courageux. Malheureusement, ils étaient les maires de deux très grandes villes, Lille et Marseille, et, par une systématisation bien française, ils ont généralisé à toutes les communes, quelle que soit leur taille, des mesures de décentralisation absolument inadaptées aux moyennes et petites communes. Rappelons que sur un total de 35.200 communs la France a 31.500 communes de moins de 2.000 habitants. L’Allemagne a seulement 14.000 communes pour 82 millions d’habitants.

Prenons l’exemple des permis de construire. Auparavant, ceux-ci étaient délivrés théoriquement au niveau du Département, mais sous contrôle étroit de l’administration parisienne loin du terrain et suivant des critères non régionalisés. Les architectes de province devaient aller à Paris à tout instant pour discuter, par exemple, de la forme des fenêtres d’un bâtiment.

La décentralisation a transféré l’attribution des permis de construire au Maire. Dans une grande ville comme Paris, Marseille ou Grenoble, ce sont des fonctionnaires expérimentés qui instruisent et qui décident. Le Maire n’intervient que rarement ou seulement sur les grands projets et les projets sensibles ; il est loin de l’électeur lambda et celui-ci ne le connaît pas vraiment, il ne lui parle pas facilement.

Au niveau d’une petite commune, tout est très différent. Le Maire connaît personnellement le demandeur, sa famille, ses proches. Sa réélection dépend directement d’eux. Je me rappelle le Maire d’une commune moyenne me disant à l’époque : « personnellement lorsque je suis opposé à un projet je ne peux le dire, alors je demande à l’architecte conseil de la commune de donner un avis négatif sur ce permis de construire et d’intervenir auprès du service départemental d’urbanisme pour qu’il le refuse ».

Il s’agit là d’une règle de gouvernance générale. Les décisions négatives graves peuvent rarement être prises au premier échelon : le Maire d’une petite commune, le contremaître dans l’entreprise, le professeur dans une école. Mais elles ne doivent pas non plus être prises au 6ème ou au 8ème échelon. Elles doivent être prises au 2ème ou au 3ème échelon de la hiérarchie au-dessus de l’échelon concerné.

C’est pourquoi cette décentralisation a été maladroite. Il faut à la fois regrouper les communes en unité de taille suffisante pour en permettre une bonne administration et décentraliser beaucoup plus de décisions, mais en étudiant à chaque fois quel est le bon niveau de décision. Ce qui est indissociable d’un bon découpage administratif et politique.

Voir : Carte administrative et politique. Communes, dimensions et limites. Culture monarchique.

Communes, dimensions et limites

Entre 20.000 et 30.000 habitants

Les limites des communes françaises n’ont pas bougé depuis des siècles. À ma connaissance, à la Révolution française, ce sont les limites des paroisses existant sous l’ancien régime qui ont été adoptées.

La France est un des seuls pays d’Europe à ne pas avoir redessiné sa carte communale. C’est ainsi qu’en  2018 nous avions 35.218 communes, dont 31.500 de moins de 2.000 habitants et 20.000 de moins de 500 habitants. C’est ubuesque. L’agglomération de Grenoble, par exemple, comprend une commune principale, Grenoble, de 159.000 habitants, mais elle est composée de 49 communes dont la plus petite, Mont-Saint-Martin, a 83 habitants. Les autres communes sont de tailles variées.

Il n’est pas question de supprimer les communes, parce que c’est le bon niveau pour la gestion locale, la gestion de tout ce qui est proche du citoyen. Mais l’expérience montre, lorsqu’on connaît des communes de tailles très différentes, que la bonne dimension pour des communes urbaines se situe entre 20.000 et 30.000 habitants. Cela permet de disposer d’un personnel municipal compétent et d’élus qui connaissent bien les différents quartiers de leur commune pour créer et gérer les équipements de proximité : CCAS, crèches, maisons de personnes âgées, écoles maternelles et primaires, bibliothèques, écoles de musique, musées, salles de spectacles, gymnases, stades, équipements touristiques, nettoiement, espaces verts.

Il serait donc nécessaire en zone urbaine de regrouper ou de redessiner des communes de cette taille, quitte à garder des antennes de quartiers dans les anciennes mairies. Mais inversement, pour rapprocher la gestion des citoyens, il faudrait découper les grandes villes, non pas en quartiers, mais en véritables communes de plein exercice à condition qu’elles regroupent de 20.000 à 30.000 habitants. À Grenoble, ville de 159.000 habitants, dans les années 1970, sous l’une des municipalités de Hubert Dubedout, pas un seul conseiller municipal ne résidait dans le quartier Berriat qui comptait à lui seul 35.000 habitants…

En zone rurale, pour définir les limites des communes, il s’agirait de se conformer à la géographie physique et humaine, afin de rassembler dans une même communauté, disposant de moyens propres de gestion, tous ceux qui dépendent du même village principal ou de la même ville centre avec leurs commerces et leurs services publics. Le tout regroupé en Bassins de vie. Ces communes de 20.000 à 30.000 habitants seraient fédérées en Communautés de communes dans les zones urbaines et en Pays ruraux pour les zones rurales.

Voir : Bassins de vie. Décentralisation. Carte administrative et politique. Intercommunalités.

Intercommunalités

L’impossible contrôle démocratique

Ce qui suit suppose que les communes réunissent 20 000 à 30 000 habitants, du moins en zones urbaines et périurbaines, comme cela est exposé dans le chapitre précédent « Communes, dimensions et limites ».

Même si les communes étaient élevées à ces dimensions, des regroupements de communes1 resteraient indispensables au sein des Bassins de vie pour gérer les questions qui dépassent le niveau de la commune : urbanisme, logement, personnes âgées, santé, déchets, eau potable et eaux usées, voierie, déplacements, transports en commun, économie, péréquations fiscales entre communes riches et communes pauvres, etc.

Les compétences actuelles d’une métropole comme celle de Grenoble, appelée la Métro, sont assez bien définies. Mais mesuré à l’aune de la démocratie, son mode de gouvernance est loin d’être acceptable. Les conseillers communautaires sont élus sur une liste parallèle à celle des conseillers municipaux sur le même bulletin de vote. Mais ils ne présentent pas de programme pour ce qu’ils vont voter au conseil de la métropole. Ils n’ont pas de responsabilité directe devant les citoyens, il n’y a pas de débats de programme au moment de l’élection, et en cours de mandat seulement quelques débats publics organisés au coup par coup. Les pratiques de la communauté d’agglomération ne respectent pas les principes de la démocratie la plus élémentaire.

La Métro grenobloise, par exemple, regroupe 400 000 habitants au sein de 49 communes. Grenoble a 31 conseillers métropolitains, une commune de 6 500 habitants a 29 conseillers municipaux parmi lesquels 3 délégués à la Métro, le Maire et deux autres conseillers municipaux. Les plus petites communes sont représentées par leur Maire.

Le Conseil métropolitain se réunit en séance plénière tous les deux mois, 6 commissions thématiques se réunissent un mois avant pour préparer les débats, une conférence des maires se réunit aussi une fois par mois, des conférences territoriales (la métropole étant divisée en 4 grands secteurs) se réunissent 2 à 4 fois par an. Les représentants de chaque commune n’ont ni le temps, ni la possibilité de préparer avec les collègues de leur conseil municipal les positions qu’ils vont prendre dans ces commissions ou dans les séances plénières. De leur côté les conseillers municipaux de chacune des 49 communes sont déjà occupés plusieurs soirs par semaine par les réunions de leurs commissions municipales ou les séances de leur Conseil municipal ; il n’est pas possible de leur présenter des comptes-rendus sérieux de réunions extérieures qui ont duré des heures.

Il n’y a finalement aucun contrôle démocratique direct ou indirect. Il n’y a ni programme électoral, ni comptes-rendus de mandat, ni débats systématiques avec les citoyens ou au moins les conseillers municipaux d’une commune. Dans le système actuel tout se décide entre élus par tractations entre le Président, le Bureau et les Maires des communes. Les séances plénières du Conseil métropolitain ne sont qu’une tribune et une chambre d’enregistrement.

Il serait nécessaire que les conseillers des bassins de vie soient élus au suffrage universel direct, qu’il n’y ait pas de cumul de mandat et qu’ils ne puissent donc pas être à la fois élus conseillers municipaux et conseillers de la communauté de communes. De cette façon, ils seraient amenés à rendre compte directement de leur gestion devant les électeurs.

1. Métropoles au-dessus de 400.000 habitants, Communautés urbaines au-dessus de 250.000 habitants, Communautés d’agglomération au-dessus de 50.000 habitants, Communautés de communes au-dessous de 50.000 habitants.

Voir : Bassins de vie. Communes, dimensions et limites. Décentralisation.

Bassins de vie

Redessiner les départements

On parle régulièrement de supprimer le département, mais le risque est de recentraliser au niveau des Régions ou de l’État. Un échelon entre les communes, les communautés de communes et la Région est utile, et encore plus depuis que les régions métropolitaines ont été agrandies lors de la réduction de leur nombre à 12 au 1er janvier 2016.  Il permet des péréquations et des complémentarités entre zones rurales et zones urbaines, entre communes riches et communes pauvres, entre zones et communes proches les unes des autres.

Le problème de nos départements est qu’ils correspondent à des découpages anciens et souvent aberrants, comme, par exemple, le département de l’Isère. Celui-ci comprend une zone alpine autour de Grenoble la Préfecture, mais il remonte au nord à une distance de 100 km de la Préfecture, à quelques kilomètres seulement du centre de Lyon, Préfecture du Rhône ; il s’égare jusqu’à Vienne dans la vallée du Rhône, mélangeant ainsi des régions d’économies et de cultures très différentes. Partout en France on retrouve des découpages administratifs sans rapport avec la réalité géographique, économique et sociale.

Il serait urgent de supprimer les départements et de ne retenir, à l’intérieur des Régions, que des bassins de vie. Pour ne pas envoyer les demandeurs d’emploi travailler trop loin de chez eux, pour leur éviter des trajets trop longs ou d’avoir à déménager, le Ministère du travail et de l’emploi, les ANPE, maintenant les Pôles emplois, ont découpé la France en 348 bassins d’emplois qui correspondent assez bien à des bassins de vie. Les limites sont fixées à 30 minutes environ en voiture de la ville centre. Ces bassins de vie représentent une bonne échelle pour une organisation moderne de la vie collective comme la mise en place de transports en commun le long des axes principaux et la répartition des grands équipements publics.

Un bassin de vie doit permettre d’offrir tous les équipements publics indispensables pour la vie des citoyens : hôpital, lycées, centres de formation, centre culturel, théâtres, cinémas, grands équipements sportifs. Le redécoupage de la France en Bassins de vie, eux-mêmes regroupés au sein des 12 grandes Régions métropolitaines, serait une véritable révolution, une œuvre salutaire pour une meilleure efficacité démocratique, sociale et économique.

Voir : Référendum. Carte administrative et politique. Communes, dimensions et limites. Régions.

Régions

Des dimensions correspondant à leurs missions

Les 22 régions qui organisaient la France métropolitaine avaient été créées en 1972. C’est seulement en 1982 qu’elles sont devenues des collectivités territoriales au même titre que les communes et les départements. Depuis le 1er janvier 2016, leur nombre a été réduit à 13, mais avec des dimensions très variables et des limites pas toujours bien compréhensibles.

Dans notre pays éminemment centralisateur, c’est une heureuse innovation. Les régions ont en charge les transports collectifs, les lycées  et  la  formation  professionnelle,  l’emploi,  l’aménagement du territoire, la santé, les économies d’énergie, l’environnement, domaines essentiels pour la vie des citoyens. Elles ont aussi développé des politiques de coopération décentralisée.

Les régions doivent avoir une taille suffisante pour répondre à leur mission qui est de mettre en place les grands équipements de transport, de recherche, les équipements universitaires et hospitaliers qui ne peuvent exister qu’au niveau régional ou en réseau régional.

La principale difficulté que l’on rencontre à propos des régions provient de ce que depuis leur création l’État central leur a transféré des missions sans leur transférer les moyens en personnel et en budgets correspondants. Cela permet de décharger le budget de l’État et de reprocher ensuite aux Régions de lever trop d’impôts. L’État conserve aussi de cette façon directement ou indirectement, au nom de la nécessité de coordinations et de répartitions nationales, une possibilité d’intervention sur les actions des régions. Dans un État fédéral chaque Région disposerait d’une fiscalité propre et d’une obligation de contribution aux répartitions nationales.

Soulignons qu’en France les régions dont on voit pourtant une réelle efficacité sur le terrain, ont des budgets très limités. Le total de leurs budgets représente moins du 1/10e du budget de l’État national. Dans d’autres pays d’Europe réellement régionalisés les budgets des régions s’élèvent à près de 50 % des budgets publics.

Finalement, on a conservé un système hybride où tout est compliqué, imbriqué et morcelé. La France a bien du mal lorsqu’il s’agit de mettre en place une décentralisation, alors que les exemples et les expériences de nos voisins auraient pu nous inspirer.

Voir : Bassins de vie. Carte administrative et politique. Communes, dimensions et limites. Décentralisation. Fédéralisme et diversité. Paris ou la province.

C. Union Européenne

 Fédéralisme et diversité

Rendre compatibles l’union et le respect des diversités

Le fédéralisme consiste à réunir au sein d’un ensemble politique régulé des identités collectives qui peuvent être d’une grande diversité socioculturelle ou ethnique. Ces identités s’unissent volontairement, non pour se soumettre à un nationalisme centralisateur et uniformisateur, mais au contraire dans le but de préserver au maximum à chacune son identité et sa part d’autodétermination.

Un pays comme la Suisse est un bon exemple de structure fédérale1. Elle est issue de la conviction de petits peuples que leur seule chance de préserver une part de leur souveraineté et par là leur identité, face aux grandes puissances environnantes, consistait en un accord avec leurs partenaires voisins tout en respectant le plus possible leurs différences, par exemple leurs langues régionales. La Suisse a su, plus que tout autre pays européen, développer et maintenir le droit à l’autodétermination locale à travers la souveraineté partielle des cantons, les libertés locales et la démocratie directe symbolisée par la pratique du référendum.

Les pays scandinaves ont aussi organisé des régimes fédéraux remarquables dans lesquels chaque entité administrative de base détient en principe tous les pouvoirs et délègue au niveau immédiatement supérieur les pouvoirs qui ont besoin d’être mis en commun, parce qu’ils concernent des activités ou des services qui dépassent les limites de l’entité de base.

C’est totalement opposé à la tradition monarchique française qui sous l’ancien régime n’a eu de cesse d’inféoder au pouvoir central la moindre parcelle de territoire. La Révolution française de 1789 a maintenu et même amplifié cette tradition en s’efforçant par tous les moyens d’uniformiser l’ensemble du pays, au point d’établir des lois et des réglementations nationales applicables au Nord comme au Sud, en montagne comme en plaine. Cela a conduit, pendant un siècle et demi, jusqu’à interdire l’enseignement des langues régionales.

Pourtant dans un pays aussi vaste et diversifié que le nôtre, dans un monde de plus en plus complexe, le fédéralisme, qui permet une libre décision au plus près des habitants, est beaucoup plus efficace qu’un système centralisé pour résoudre les problèmes des citoyens et les amener à participer à la vie de la démocratie. Au niveau national quelques efforts de décentralisation ont bien été entrepris, mais on est loin de ce qu’il faudrait pour que la France devienne un pays à haut niveau démocratique.

Cette incompréhension du fédéralisme, la méconnaissance des possibilités qu’il offre, rend très difficile pour les Français l’approche d’une Europe fédérale. Ils perdent leur temps dans des luttes inutiles entre souverainisme et libéralisme économique, alors que le fédéralisme permettrait à chaque pays d’Europe de continuer à exister, tout en collaborant politiquement et économiquement avec les autres pays de l’union.

1. Pour des raisons historiques la Suisse est appelée Confédération helvétique, mais juridiquement elle est devenue une fédération avec un Gouvernement fédéral.

Voir : Décentralisation. Démocratie participative. Europe fédérale future. Groupes d’Action Locaux. Monarchie française. Référendum.

Europe  libérale actuelle

Un grand marché libre sans gouvernement

Qui connaît, par exemple, la différence entre le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil de l’Union Européenne, la Commission européenne, le Conseil de l’Europe, la Cour de Justice, la Cour européenne, au sein de l’ensemble des institutions européennes ? Il s’agit de l’une des plus belles « usine à gaz institutionnelle » qu’on n’ait jamais construite1.

Pourtant, dans la mesure où une grande partie des lois et règlements appliqués en France sont la transposition obligatoire de directives ou lois européennes, les institutions européennes font partie des institutions qui organisent la démocratie en France. Le niveau de démocratie établi en France par la Constitution de la Ve République est faible, mais au plan de l’Europe, c’est pire encore.

À l’origine des institutions européennes, il y a eu la CECA, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, créée en 1951. Après la guerre de 1939-1945, en pleine reconstruction, il fallait utiliser au mieux les ressources dont on disposait. Pour éviter que la concurrence entre États européens n’aboutisse à un suréquipement et à une surproduction de charbon et d’acier, les pères de l’Europe ont mis en place un système de concertation et même de décision entre les États d’Europe. Les Chefs des États ou des Gouvernements, ou leurs ministres délégués, se réunissaient et prenaient des directives que chaque pays s’engageait à respecter. Jusque-là c’était aussi judicieux qu’intelligent.

Progressivement est venue l’idée de créer non pas une Europe unie, même si on lui a donné ce nom, mais un marché commun européen, afin de faciliter les échanges commerciaux entre pays ; les directives européennes destinées à faciliter le libre échange se sont alors multipliées et on est passé aux « Actes législatifs communautaires » ou lois européennes. Mais le système décisionnel est resté grosso modo le même.

La Commission européenne, composée de Commissaires permanents, prépare les propositions de lois appelées directives en suivant les orientations fixées par le Conseil des Chefs d’États et de gouvernements ; le Parlement a reçu un pouvoir de codécision avec le Conseil, mais en pratique, c’est ce Conseil des Chefs d’État ou de Gouvernement, ou les Conseils de leurs ministres délégués, par exemple la réunion des Ministres de l’agriculture, réunion des exécutifs des divers pays membres, qui arrêtent les directives européennes. Ensuite, dans chaque pays ces directives doivent être transposées dans la législation nationale où elles prennent force de loi.

Dans les faits – Montesquieu, le théoricien de la séparation des pouvoirs, doit s’en retourner dans sa tombe – il n’y a pas véritablement de séparation des pouvoirs. Ce ne sont pas le Parlement européen et les Parlements nationaux qui décident des directives européennes, en réalité c’est la réunion des exécutifs des différents pays membres.

Ajoutons à cela que ces lois concernent avant tout des mesures techniques permettant de faciliter les ventes de produits dans le marché libre et ouvert que constituent les 27 pays membres. Un exemple amusant mais illustratif : il a été décidé que les pare-chocs de toutes les voitures construites en Europe devraient être à la même hauteur ; par contre, il n’y a pas d’harmonisation ni de politiques communes en matière de fiscalité, de protection sociale, de politique économique, seulement des concertations, puisqu’en ces domaines la règle de l’unanimité demeure, ce qui veut dire qu’un seul pays peut tout bloquer et que chacun reste maître de pratiquer ce qu’il veut.

Depuis 50 ans, l’unification européenne se limite au commerce pour créer un grand supermarché continental de 510 millions de consommateurs dont le but est de favoriser l’enrichissement et la prospérité des grands groupes financiers, enrichissement fondé sur des dumpings sociaux et fiscaux qui tendent à l’égalisation du statut des travailleurs vers le bas.

Il n’y a pas non plus de politique extérieure commune, ni de défense européenne. Chaque pays reste libre de décider ce qu’il veut en ce domaine : s’allier ou non aux États-Unis d’Amérique, participer ou non à telle ou telle guerre ou à telle opération de maintien de l’ordre, disposer de ses propres bases militaires à l’étranger.

Les réformettes proposées par le traité de Lisbonne : élire le Président du Conseil européen pour deux ans et demi au lieu de six mois, nommer un Haut Représentant des affaires étrangères, ne changent rien aux mécanismes de décision ou, plutôt, de non décision ; on reste dans le système actuel absolument inefficace.

Pour sortir de ce système aberrant, où les représentants élus des citoyens européens n’ont pas véritablement le pouvoir législatif, ni les pleins pouvoirs de contrôle de l’exécutif, pour créer enfin une véritable entité européenne capable de relever les défis planétaires, face aux grandes puissances que sont les États-Unis d’Amérique, la Chine, la Russie et l’Inde, la seule solution serait de mettre en place une Europe fédérale à deux niveaux.

1. Le Conseil européen est composé des chefs d’États ou de gouvernements, le Conseil de l’Union Européenne réunit les ministres compétents par secteur, la Commission européenne rédige les propositions de lois européennes, le Conseil de l’Europe rassemble 47 États et comprend un Comité des ministres et une Assemblée parlementaire.


Voir : Europe fédérale future. Fédéralisme et diversité. Petits pas.

Europe  fédérale future

La possibilité de politiques communes

L’Europe, une union des pays d’Europe, est indispensable face à la mondialisation. À peu près tout le monde en convient. Mais la question est de savoir quelle sorte d’Europe nous voulons construire.

L’Europe libérale actuelle, limitée à un grand marché commun dans lequel on ouvre les frontières à la libre circulation des biens et des personnes, dans laquelle chaque État conserve sa politique économique, fiscale, sociale, environnementale, est une impasse. Le budget européen représente moins de 1 % du PIB de l’ensemble des pays d’Europe, alors que les budgets publics des États membres s’élèvent en moyenne à 40 % de leurs PIB.

Si on veut que l’union des pays membres soit gouvernée démocratiquement, il est nécessaire de mettre en place de véritables Etats-Unis d’Europe, dans un système fédéral où chaque État déléguerait au Parlement et au Gouvernement européens le pouvoir sur tout ce qui est commun et lie intrinsèquement les États membres : politiques économiques, fiscales, sociales, environnementales. Il est étonnant, à propos de la crise de l’Euro, d’entendre un si grand nombre de hauts dirigeants politiques dire qu’il faudrait mettre en place une gouvernance économique en Europe, tout en refusant absolument d’accepter toute délégation de souveraineté à un gouvernement supranational. C’est absolument incohérent.

Une Europe à 28 ou 27 pays membres est à la fois trop disparate et ingérable pour pouvoir définir et appliquer des politiques communes. Elle ne correspond qu’à un grand marché libre où les sociétés et entreprises à finalités financières, grosses et moyennes, peuvent satisfaire leurs appétits de richesse et de pouvoir. Si on veut une plus grande intégration et la mise en place de politiques communes, cela ne peut se faire qu’entre pays ayant des niveaux de développement voisins, ce qui demanderait de constituer trois regroupements fédéraux intermédiaires : Europe de l’Ouest, Europe du Nord, Europe de l’Est. L’ensemble formerait la fédération des États-Unis d’Europe.

L’Europe de l’Ouest comprendrait la France, l’Allemagne, la Belgique, la Hollande, L’Autriche, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce. Ils pourraient ensemble amorcer la création d’une Europe politique. De cette façon, le citoyen français disposerait des institutions politiques suivantes : la commune urbaine d’environ 20 000 à 30 000 habitants ou le pays rural, le bassin de vie, la Région, l’État français, l’Europe de l’Ouest, les États-Unis d’Europe.

L’Europe du Nord pourrait réintégrer l’Angleterre et comprendrait les pays qui lui sont les plus proches. Suivant sa tradition de nation financière et commerciale, liée aux États-Unis d’Amérique et au Commonwealth, l’Angleterre toujours pragmatique trouvera des accommodements avec tout nouveau système mis en place, qu’elle soit dans ou hors de l’Europe.

L’Europe de l’Ouest aurait en charge les politiques fiscales et sociales, la monnaie commune, la législation du travail, les grands équipements de recherche, les échanges extérieurs. La fédération des États-Unis d’Europe aurait la responsabilité de la politique étrangère, de la défense, de l’immigration, de la protection de l’environnement.

Voir : Bassins de vie. Carte administrative et politique. Europe libérale actuelle. Fédéralisme et diversité. Gouvernement de législature.